Gare routière de Nevşehir, Turquie - Km 10966,58

Qu’ils me sont fascinants ces endroits de passages ; parfois un peu froids au premier abord et pourtant plein d’une vivacité sans ornement, sans fioriture. La gare routière de Nevşehir est un de ces lieux. C’est drôlement haut de plafond et on semble pouvoir s’y poser pendant de longs moments. C’est d’ailleurs fait pour ça ; pour attendre. Et quand on attend, on observe. J’ai toujours aimé ces moments d’attente où on peut, à force d’observer, devenir presque invisible. C’est même sans doute la raison pour laquelle, dans la vie, j’aime bien arriver en avance ; et parfois, je dois bien le reconnaître avec une légère exagération... Ce qu’on voit dans ce hall, c’est que personne ne court, personne ne se presse. Ça viendra peut- être... Les sons y sont étranges, ouatés par une réverbération évasée. Nous avons posé les bicyclettes contre un mur, près d’une table sur laquelle nous nous sommes installés, dans ce grand hall blanc démesuré. Dehors, il fait sacrément froid. Les températures sont négatives et nous ne serions pas surpris de voir tomber quelques flocons d’ici à notre départ.
Ce temps d’attente n’est pas désagréable. Il nous permet de cogiter, de réaliser que nous sommes à un moment spécial de notre longue vadrouille. En effet, pour la première fois, nous allons utiliser un bus pour accélérer notre rythme. Même si ça peut sembler assez banal, pour nous ce n’est pas rien. Ça travaille notre esprit depuis plusieurs jours car après 7 mois à progresser seulement par la force de nos mollets, nous avons comme l’impression que nous allons subir une téléportation ! Nous espérons qu’elle ne soit pas trop brutale...

Hier, nous avons contacté Ahmet, l’hôte du réseau warmshower qui nous avait accueilli lors de notre premier passage à Istanbul. Il va nous accueillir à nouveau et semble curieux de connaître les détails de notre grande virée turque. Nous sommes également très heureux de le retrouver car nous nous étions très bien entendu en janvier. En bonus, puisqu’il est médecin, il s’est proposé de nous accompagner pour réaliser le test PCR qui nous sera nécessaire pour passer la frontière bulgare. C’est toujours rassurant et facilitateur d’avoir un guide local pour ce genre de démarche.

Ce sont donc onze heure de bus qui nous séparent d’Istanbul. Là-bas, aussitôt le test PCR en poche, nous prendrons un autre bus en direction de la Bulgarie avant de reprendre les bicyclettes pour rejoindre la frontière serbe et découvrir ce pays qui nous attire bien.

C’est en tout cas avec une bonne dose de nostalgie que nous quitterons la Turquie, ce pays dans lequel nous aurons vécu de très beaux moments. Nous nous rendons compte que rester deux mois et demi dans un pays, ce n’est quand même pas une légère chose. Ça laisse le temps de s’imprégner de la culture, de la langue, d’habitudes, de certains codes sociaux, etc.

Aujourd’hui marque aussi un point important de notre voyage, puisqu’après avoir à plusieurs reprises repoussé ce moment, nous reprenons le chemin vers l’Ouest et cette fois ci, ça semble être pour de bon... C’est une sorte de demi-tour ; le retour à la maison. Bien sûr, nous allons nous appliquer à prendre notre temps et à continuer de savourer chaque tour de roue ; jusqu’au dernier mètre !

Il est 18h16 et notre autobus part à 21h. C’est bien, ça devrait me laisser le temps de revenir sur notre route d’Antalya jusqu’à Göreme en Cappadoce. Petit rappel du parcours que nous avions prévu au départ du Sud pour remonter sur le plateau d’Anatolie : Antalya – lac d’Eğirdir – lac de Beyşehir – Konya – Aksaray – Göreme. Eh bien figurez-vous que pour une fois, on s’y est tenu et c’était vachement chouette. Les paysages étaient encore somptueux, nous avons rencontré quelques savoureuses péripéties et les rencontres au bord du chemin furent d’une immense richesse. Oui, là on peut bien vous le dire, on devrait revenir très très très riches !

À la lecture de ces articles, j’imagine qu’on a parfois une forte sensation de répétition (de cyclisme ?). C’est le cas car notre quotidien est assez ritualisé, et pourtant, on ne se lasse jamais. Bien au contraire, il nous est impossible de banaliser ces moments où nous sommes invités à entrer chez les gens, au cœur de leur quotidien. Chaque rencontre s’avère être unique et nous marque d’une saveur particulière. On reçoit tellement de ces instants et des gens qu’on côtoie que comme dirait la Stan en direc’ total de sa geôle Rochelaise : « ça rassure drôlement sur l’état de l’humanité ! ».

Nous nous étions donc arrêtés à Antalya et nous en sommes repartis le 12 mars, quittant nos amis Janice et Coco ainsi que notre hôte – Ben – que nous avons juste eu le temps de croiser avant notre départ. Nous quittons le Sud bien reposés physiquement et nous reprenons notre élan avec l’esprit vif. On commence par traverser tranquillement la ville vers le Nord-Est pour rejoindre l’axe Antalya-Isparta. Le ciel est d’un bleu profond et le soleil nous échauffe parfaitement. Le vent quant à lui n’est pas vraiment favorable et il nous décidera d’ailleurs à ne pas finir notre journée trop tard. Vers 16h, on repère un beau spot sur les hauteurs du lac Karacaören. Il s’agit du jardin d’un restaurant offrant une chouette vue sur le lac. Le patron nous servira un bon thé chaud et nous donnera accès aux toilettes ainsi qu’au Wi-Fi du restaurant. C’est parfait pour nous ; nous prenons le temps de cuisiner notre premier one pot (technique de cuisson des pâtes dans le jus des légumes... merci du filon Janice et Coco !). On en profite également pour mettre à jour le blog et on s’endort rapidement pour faire le plein d’énergie pour la difficile étape qui nous attend le lendemain.

Réveil tranquille ce matin. On a parfaitement dormi et le petit jour se fait un peu plus frais que les jours précédents. On remballe doucement et avec méthode le campement, tout en ayant en tête la sévère côte qui nous attend aujourd’hui. Nous nous mettons en selle, sans en faire trop, en mesurant au maximum nos efforts. Dans une station service, juste avant de bifurquer sur la droite et de prendre cette route difficile vers le lac d’Eğirdir, on décide de casser la croûte. Le gérant de la station nous offre café, stock de sucre ainsi qu’une pile de timbales en carton... Le café et le sucre c’est super, mais les gobelets jetables, on ne sait pas trop ce qu’on va bien pouvoir en faire... On salut tout de même ce cher monsieur et sa sympathique générosité avant d’attaquer nos 15 kilomètres d’ascension. Autant vous dire qu’on s’est bien motivé car on sait que le mental joue beaucoup pour grimper ces longs et durs pourcentages. Les premiers hectomètres sont plutôt doux et progressifs et au moment où commencent les premières rampes difficiles (au-delà de 7%), et que nous sommes totalement concentrés sur notre effort, une camionnette s’arrête à notre hauteur et son chauffeur commence à nous parler. Nous mettons pieds à terre, un peu coupés dans notre élan. Il s’agit d’un vendeur qui revient du marché d’Antalya. On comprend vite par ses gestes et ses quelques mots d’anglais qu’il nous décrit la grande difficulté qui nous attend. Il nous propose de grimper dans son véhicule alors sans hésitation et sans trop réfléchir, on accepte l’invitation par un vigoureux : « evet evet ! ». Après avoir hissé nos bicyclettes dans la camionnette, on se faufile entre les pommes, les cagettes vides et les restes de poisson cru. Nous v’la installés et hop, en route mauvaise troupe ! Autant vous dire que c’est sans aucun doute la côte la plus fastoche de toute notre épopée. Par une ouverture dans la bâche, on aperçoit une nature généreuse, verdoyante qui défile à un train qui n’est plus habituel pour nous. À un moment, on double un cycliste américain
« tourdumondiste » qu’on avait doublé quelques kilomètres avant. On lui fait un signe d’encouragement. Nous sommes déposés juste en haut, sur un plateau, sur le plateau. Désormais, c’est tout plat jusqu’à Eğirdir. Le chauffeur nous offre même un bon gros sac de pommes pour marquer notre arrivée au pays des pommiers. D’autres personnes nous en offrirons sur la route à ne plus en avoir de place dans nos sacoches. Ce sera même l’occasion de visiter un grand centre d’exportation vers l’Europe et Dubaï qui nous montre l’ampleur et la folie de notre système mondialisé... On y prend quand même un café, on se débarrasse des gobelets cartonnés, puis nous rejoignons rapidement Eğirdir et son magnifique lac. Le vent est frais et nous décidons d’installer notre tente entre deux buttes censées nous en abriter. Plus la nuit tombe et plus le vent devient glacial. Nous ne tardons d’ailleurs pas, après avoir fait de la compote avec toutes les pommes récoltées au cours de la journée, à nous endormir. La nuit sera animée par quelques fêtards turcs bravant le couvre feu ; l’animation consistant en une musique bien rythmée et quelques coups de fusil festifs à quelques mètres seulement de notre tente. Même pas peur ! En tous cas, il en faudrait plus pour empêcher Camille de dormir...

Au matin, le vent est favorable et nous pousse gentiment le long du lac. On prend de la hauteur et au terme de cette étape, nous arrivons assez facilement – grâce au vent – à la ville de Şarkikaraağaç où nous faisons quelques provisions. On roule encore quelques kilomètres vers le Sud, en direction du lac de Beyşehir dans l’espoir de trouver l’hospitalité dans un plus petit village. Nous serons conduits dans le parc d’un hameau proche de Çiçekpınar, après quelques verres de çay partagés au milieu d’une clique de bonhommes aux teints hâlés. Pendant que nous montons le camp, nous faisons la connaissance des habitants des alentours dont pas mal d’enfants, curieux de ces joyeux hurluberlus atterris au beau milieu de leur vallée. Ils viennent tour à tour en nous offrant tout un tas de nourriture. On se régale de ces bonnes choses à manger et surtout de ces rencontres simples et spontanées. Certains viennent juste échanger quelques mots tandis que d’autres passent en faisant pétarader leurs mobylettes et en nous envoyant d’énergiques signes de bras amicaux. Une chose est sûre, ce soir on ne sortira pas le réchaud, repus de toute cette bonne nourriture. En face de nous, la montagne ; observatrice de la scène, géante et majestueusement discrète.

La journée du lendemain sera entièrement consacrée à longer le lac de Beyşehir par sa rive Ouest. Malgré un sérieux vent de face, cette journée restera comme l’une des plus belles de notre passage en Turquie. La nature y est splendide et l’eau du lac nous offre des reflets couvrant une impensable palette de bleus. Encore une fois, il nous est bien difficile d’en faire une description qui serait capable d’en transcrire fidèlement la force et la beauté. Nous sommes quasiment les seuls humains ; très peu de voitures. Beaucoup d’oiseaux, des îles au loin et quelques vaches qui grimpent maladroitement dans des barques pour les rejoindre.

Le soir venu, bien fatigués par le parcours casse-pattes et ce sacré vent, on s’installe pour commander un çay dans le petit bourg de Yeşildağ. Dans cette situation, la scène est souvent voire toujours la même : Camille est la seule et digne représentante de la gente féminine. On nous pose des questions sur notre voyage et on nous fait parfois comprendre que nous sommes un peu fous. On nous demande quasi systématiquement si nous sommes mariés. Il est presque toujours impossible de payer nos thés. Le temps passe, on le laisse filer, expliquant qu’on n’ira pas plus loin aujourd’hui. Le patron du lieu, Mustafa, nous propose de nous mettre dans son restaurant fermé « because of Covid ». Nous y trouvons un poêle à bois et on y sera bien car la nuit s’annonce fraîche et pluvieuse. On pourrait penser qu’en terme d’accueil, on a atteint un très bon niveau mais c’est sans compter sur l’arrivée de la femme de Mustafa qui nous invitera avec une certaine allégresse et un sourire sonore à rejoindre leur maison. On y passera la soirée, on mangera comme des ogres, on fera la connaissance des enfants et des voisins. Dehors, la pluie tombe. Camille subira même un petit relooking traditionnel qui fera rire toute la compagnie. Nous finirons la soirée par une visite nocturne de la boulangerie, sur les coups de minuit et demi. Autant vous dire qu’on n’est pas fâchés de s’horizontaliser. Le poêle chauffe, dehors il pleut bien ; on est pas mal du tout. Au matin, le boulanger nous régale même d’un bon pain chaud, juste sorti du four. On re-grimpe sur nos bicyclettes pour cette fois prendre plus franchement la direction de l’Est.

16 mars, une journée plaisante. Un bon vent nous pousse généreusement à travers des paysages de plus en plus dingues. Sur le bord de la route, les turcs continuent de nous offrir un accueil qui dépasse tout ce qu’on pourrait imaginer. On grimpe, on grimpe jusqu’à atteindre quelques 1600 mètres d’altitude. Pause. On côtoie la neige, ce qui est assez incroyable après avoir roulé il y a seulement quelques jours sous le chaud soleil d’Antalya.

Après s’être délecté de la vue et de l’atmosphère de ce sommet, on plonge sur Konya. C’est le début de la grande plaine ; assez brusquement. La métropole est impressionnante, très étendue et nous apprendrons qu’elle compte quelques 2 millions d’habitants. Il faut avouer qu’on n’avait pas tellement anticipé de se retrouver dans une si grande ville... On s’y engouffre assez aisément grâce à une longue piste cyclable qui nous emmènera au cœur du centre-ville. On y sent une ambiance particulière ; beaucoup de mosquées et la plupart des femmes portant le voile intégral. La religion semble y tenir une place importante et nous ne sommes pas tellement surpris d’apprendre que Konya a la réputation d’être une des villes la plus pieuse de la Turquie.

Alors qu’on flâne sur le bord d’un trottoir à la recherche d’un endroit pour capter le précieux WiFi, nous sommes invités spontanément par un libraire à entrer dans sa boutique. Après nous avoir commandé un thé, il nous partage sa connexion et nous prête son téléphone, ce qui nous permettra de contacter Mehmet, un ami de Mustafa d’Izmir. Mehmet, il travaille au service touristique de la municipalité et nous invite tout simplement et sans préambule à rejoindre un hôtel réservé pour 2 nuits... Royal. En échange de cette chambre d’hôtel, nous nous ferons interviewer par des journalistes locaux afin de communiquer sur les aménagements cyclistes de la ville dont un super tramway dédié aux vélos. Nous profitons évidement de notre passage à Konya pour visiter le musée Mevlana et en apprendre un peu plus sur ce personnage religieux fondateur de l’ordre des derviches tourneurs. Le dernier jour de notre escale, après la fameuse interview qui se déroule sous une bonne averse de neige et après avoir testé le fameux tramway, nous quittons Konya et nous prenons la grand route direction Aksaray. 

Aksaray - Konya, c’est tout droit et tout plat pendant 2 jours. Fort heureusement, le vent est avec nous et si on craignait de s’ennuyer un peu sur cette longue route au milieu des steppes c’était sans compter sur les nombreux « arrêts çay », une nuit insolite dans une station service à l’intérieur d’un bungalow de prière surchauffé, ou encore Camille qui s’amuse a briser net sa deuxième paire de lunettes...

On arrive à Aksaray le 19 mars, en fin de journée. Avec l’aide d’un policier turc en congé, on trouve un magasin de lunettes où Camille fait rafistoler ses deux paires de binocles. La journée touchant à sa fin, nous décidons de sortir de la ville pour trouver un endroit où dormir et c’est à l’entrée du village de Selime qu’on s’installera, dans le jardin d’une école coranique qui nous semble fermée. Une fois la toile de tente installée, on fait la popote. Il n’est pas loin de 21h, la nuit est tombée et juste avant de nous glisser dans nos sacs de couchage, on fait un brin de vaisselle. C’est à ce moment qu’un bruit de gravier attire notre attention. Une voiture arrive vivement vers nous et nous éblouie de ses plein-phares... Ooh là, on se dit que ça ne sent peut-être pas très bon. On reste relax et sans paniquer, on va à la rencontre du conducteur. Ouf, pas de quoi s’inquiéter, c’est en fait le directeur de l’école. Il a été prévenu de notre présence par un élève dans le bâtiment. Aussitôt sorti de son auto, il nous invite à entrer dans l’école et a poser nos matelas dans la grande salle de conférence. Encore une fois, on échappera au froid cette nuit. On démonte donc notre camp à l’extérieur pour l’installer au chaud. L’homme remonte dans son auto et on ne le reverra que le lendemain matin au moment où nous nous apprêtons à partir. Quant au jeune garçon, Mohammed, qui nous a proposé son aide pour transférer nos affaires à l’intérieur du bâtiment, il remonte à l’étage en nous envoyant un parfait
« good night ».

Depuis la sortie d’Aksaray, nous sommes entrés dans des ambiances absolument spectaculaires, quasi lunaires. Là, on va manquer cruellement de mots et d’adjectifs pour décrire ce qu’on voit. Même nos appareils photos ont du mal à capter ne serait-ce qu’un millième de l’intense beauté des paysages que nous traversons. On commencera ce jour-là par contourner l’immense et biscornue cathédrale de Selime. Nous irons ensuite nous promener dans le grandiose canyon d’Ilhara où nous prenons le temps d’explorer les nombreuses églises troglodytes. La route est difficile avec de bonnes côtes...

Au terme de la journée, c’est un peu toujours le même rituel : il nous faut faire notre réserve d’eau pour la nuit, quelques réserves de nourriture et trouver un endroit où dormir. On repère sur la carte un petit village, Yazıhöyük. L’épicier nous dirige vers la mosquée mais l’Imam ne l'entend pas de cette façon. Pas de problème, nous poserons notre tente sur le petit terrain de foot de l’école, juste derrière. Les voisins viennent nous apporter une belle et grande théière sur un plateau d’argent et une grosse assiette de frites avec du ketchup et de la mayo. De quoi bien nous réchauffer avant de passer une nuit où les températures avoisineront les -5°C. Le froid ne nous empêchera pas de bien dormir et nous sommes d’ailleurs assez satisfaits des techniques développées au fur et à mesure du voyage pour nous préserver du froid. Pour les plus intéressés, on pourra vous faire un tuto !

Le lendemain, nous décidons de repartir de bonne heure et heureusement car nous sommes sans cesse arrêtés, quasi tous les kilomètres, pour boire le thé. Une fois, c’est dans une laiterie, une autre par des gendarmes qui gardent un village en quarantaine « because of Covid », une autre fois dans une station-service, etc. En début d’après-midi, nous traversons le village de Dirinkuyu. On en profite pour en visiter l’incroyable cité souterraine capable d’abriter jusqu’à 20000 personnes avec bétail et réserves de nourriture. C’est assez fou. On descend dans les profondeurs des boyaux creusés dans la pierre. Pour la petite histoire cette cité a servi à protéger les chrétiens grecs de la persécution de l’empire Romain et un peu plus tard des clans musulmans sunnites. Les grecs y sont restés jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, moment où ils furent expulsés du pays par le mouvement des turcs nationalistes.

Suite à cette visite passionnante, on remonte sur nos biclous sous un chaud soleil. Plus on avance, plus les paysages sont hallucinants. Les maisons et autres constructions troglodytes s’imbriquent dans des villages pierreux en mauvais état. Ces villages montrent une certaine dureté et la vie semble y être difficile. Rapidement, nous entrons dans l’espace protégé par l’Unesco. On change, non sans raison, nettement d’ambiance. Fini les maisons en ruines, les enfants qui courent après les vélos pour réclamer un peu de monnaie, ou encore ces grands entrepôts d’engrais troglodytes. Ici tout est propre, aseptisé ;
« because of... tourist ! » Après un court arrêt à Mustafapaşa, nous découvrons Urgüp et son impressionnant château-gruyère enfoncé dans la montagne. Ce soir, nous poserons notre tente juste un peu plus loin, près de la Devrent Valley. La vue est saisissante, les couleurs et les lumières surréalistes. On profite pleinement de cette nuit de bivouac au cœur des Cappadoces car la météo pour les prochains jours prévoit d’être moins bonne.

En effet, dès le lendemain matin, de gros nuages s’installent dans le ciel et viennent noircir l’horizon. Nous avons tout juste le temps de ranger la tente avant que les premières gouttes n’arrivent. Pour l’instant, ce ne sont que quelques petites gouttes. Nous descendons l’extraordinaire Devent Valley en prenant quelques chemins de traverse pour rejoindre Avanos, au nord du parc naturel. Là, la pluie s’intensifie alors on se réfugie une bonne partie de la matinée dans un bar pour une longue pause-café en attendant une éventuelle amélioration... Cela nous permet de réfléchir et d’organiser les prochains jours que nous souhaitons passer dans cet endroit inouï. Nous décidons, au vu des prévisions météo, de nous installer dans une petite auberge à Göreme. On pourra s’y reposer, poser les vélos et le petit village s’avère être très central, idéalement placé pour pouvoir explorer les vallées aux alentours. Dans cette auberge, on aura la bonne surprise de retrouver Alexis, le cyclo-voyageur avec qui nous avions fait quelques étapes entre Izmir et Ephèse. Nous savions qu’il était dans les parages mais de là à se retrouver dans le même hôtel le même jour... Il y a des hasards qui sont de beaux hasards. Alexis n’est pas seul car il a été rejoint par sa compagne qui a fait le voyage depuis la France et restera une semaine avec lui ici. Nous passerons de bons moments en leur compagnie profitant de l’auberge et de sa belle terrasse de toit pour nous tout seuls. On cuisine ensemble de bons plats, on part se promener dans les vallées, on glandouille au chaud pendant que dehors la température descend. La neige s’invite même à la fête ce qui donne aux paysages déjà féeriques une dimension encore plus folle.

Nous restons 4 jours dans l’auberge et après avoir bien exploré le coin, nous décidons de quitter l’auberge et de prendre la route pour la ville de Nevşehir à seulement 15 kilomètres de Göreme. Avant de partir, on salue chaleureusement et avec une certaine émotion Alexis qui va poursuivre sa route à l’Est. Prend soin de toi l’ami, et profite à fond !

Nous rejoignons assez vite Nevşehir. Nous allons y passer la journée avant de prendre le bus pour Istanbul. Il fait très froid. Une fois nos billets achetés, on se trouve un sympathique petit restaurant-boulangerie qui cuisine de fabuleux pide ; sans doute les meilleurs qu’on ait mangés en Turquie. En plus de ça, le service se fait dans la joie, très représentatif de l’énergie et de la générosité turque. La serveuse, qui parle un anglais très minimal nous gratifiera même d’un surprenant « I love you » en fin de repas. Allez, on prend ! Un marchand de la rue vient nous offrir le dessert en chanson et dans une euphorie assez spectaculaire, de quoi bien nous occuper pendant quelques heures. Le reste de la journée sera consacré à la recherche d’un jeu de cartes afin de maintenir voire d’améliorer notre niveau au « Kabou », ce jeu appris avec Janice et Coco chez Ben à Antalya. Une fois le paquet de cartes trouvé, nous rejoignons assez tôt la gare pour nous y mettre au chaud car ce n’est vraiment pas des températures à laisser bedasser deux cyclistes dehors. Une fois installés dans le hall de gare, on profite d’un petit concert d’un groupe tzigane à l’occasion d’une arrivée ou d’un départ de bus (on a pas trop compris la fonction, mais c’était bien bon d’entendre un peu de musique vivante).

L’heure de notre autocar approche et même si Camille est toujours très relax par rapport aux horaires, moi je préfère anticiper. Dehors, dans le noir de la nuit, la neige s’est remise à tomber. Allez hop, il est temps pour nous de remballer le carnet de voyage, le paquet de cartes et d’aller se préparer sur le quai pour que le chargement se passe au mieux. Prochain rendez-vous : Istanbul again !

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Commentaires: 2
  • #1

    Isa Talbot (samedi, 10 avril 2021 11:30)

    Bonjour les cyclistes, non non non nous n'avons pas une forte sensation de répétition en vous lisant. Les anecdotes sont tellement plaisantes à lire. Peut-être qu'en arrivant, vous pourriez publier un livre avec ces écrits et cette expérience !! Ca fait du bien de s'évader par vos écrits car nous sommes limités à un rayon de 10 kms dans nos déplacements mais heureusement que nous rencontrons pas mal de monde autour d'un p'tit canon !! d'ailleurs ce soir c'est repas chez la voisine avec Jeanmama et Momo !!!
    Hasta luego

  • #2

    Camille et Julien (dimanche, 18 avril 2021 14:51)

    Bonjour Isa,
    merci pour ton commentaire qui nous fait bien plaisir et qui nous envoie encore plus d'énergie pour pédaler. Les aventures continuent ! Vive les repas chez la voisine et à bientôt !