De Yalova à Izmir, plongeons dans la Turquie généreuse et magnifique - Km 9085,34

Nous sommes arrivés samedi soir à Izmir et contrairement à ce qu’on nous avait dit, il n’y fait pas franchement très chaud. Le vent est glacial mais nous avons la chance et le plaisir d’être accueillis et bichonnés par Yeşim, qui nous a proposé de nous installer dans une chambre de son grand appartement du quartier de Balçova. Nous nous y sentons tout de suite à l’aise et profitons pleinement de ce temps pour nous reposer, passer de bons moments avec notre hôte, nous promener dans la ville, nous faire interviewer par une association de cyclistes, rencontrer quelques français résidants à Izmir ou bien de passage, etc. Bref, nous passons du bon temps et on récupère de nos efforts des derniers jours en attendant que les températures remontent un peu. C’est aussi le moment pour nous de réfléchir, une nouvelle fois, à la suite de notre voyage et de donner un petit coup de neuf à nos bicyclettes en leur changeant les pneus très très fatigués par ces 9000 premiers kilomètres où chemins, graviers et bris de verres ne leur ont fait aucun cadeau. Cette pause sera aussi l’occasion de s’extraire un instant de notre itinérance pour nous relaxer un peu, digérer les émotions des derniers jours et mesurer la richesse de toutes nos rencontres. Ces dernières se multiplient au fil de notre avancée et sont toutes plus savoureuses, plus intenses les unes que les autres.

Plus de 15 jours se sont passés depuis que nous sommes partis de chez Ehran à Yalova. Nous partons de chez lui le 31 janvier, bien rechargés par tous les bons moments passés avec lui et ses amis. Le vent s’est un peu calmé mais est toujours présent. Nous savons qu’il sera un élément majeur de ces prochains jours. Nous décidons de rejoindre directement Gemlik, une ville un peu plus au Sud, où de sympathiques motards nous inviterons dans leur magasin pour boire le thé et partager quelques expériences. Vous noterez qu’on n’a pas vraiment beaucoup avancé et qu’on est déjà de nouveau invités. Mais tant pis, on a décidé de profiter de tous ces moments, toutes ces invitations, toutes ces rencontres qui s’offrent à nous, plus ou moins furtives, plus ou moins extraordinaires, mais qui nous enrichissent à chaque fois de manière unique.

C’est donc avec 3 ou 4 thés dans le gosier et quelques paquets de biscuits glissés dans nos musettes que nous nous remettons en selle. Nous longerons la mer de Marmara pendant de nombreux kilomètres en direction de Mudanya . La route est magnifique bordée par de nombreuses cultures d’oliviers. Ce soir là, nous poserons notre tente sur la plage du petit village de Triliye, et même si le vent vient nous embêter en milieu de nuit en arrachant quelques unes des sardines de notre toile de tente, on dort bien et on reprend la route pas trop tard le lendemain matin en entrant un peu plus dans les terres. Le vent est intense et nous épuise. Après avoir traversé la ville de Karacabey et y avoir fait quelques provisions, nous changeons de direction. Un changement de direction qui va nous décourager complètement et nous déciderons de nous arrêter dès le premier village qu’on aperçoit en bordure de la voie rapide et d’y demander l’hospitalité. On s’approche de la mosquée qui est souvent le point central de ces petits villages et on y trouve un groupe d’hommes sirotant des thés au milieu d’une douce agitation. Ils sont élégants et parfaitement poussiéreux. Ils nous invitent à nous asseoir avec eux et nous proposent rapidement de poser nos affaires dans une salle du village, juste à côté, à l’étage d’une supérette. On en profite pour s’y changer puis un des hommes nous invite à les suivre. Sa femme a préparé un repas pour nous. Quelle surprise de se retrouver au milieu de ce village au milieu d’une famille, la famille Bayır, avec les petits enfants Ozün et Öykü, plongés au milieu d’un quotidien. Finalement, après un bon repas et une soirée « hommes d’un côté, femmes de l’autre », nous sommes invités à dormir dans la maison. Sedat et Melhia nous ont probablement laissé leur chambre, comme il est de coutume lorsqu’on reçoit en Turquie. Le lendemain, nous sommes invités à rester encore. On joue le jeu de l’immersion totale en se fondant au maximum dans cette vie du quotidien, restant des heures le cul sur une chaise (ou sur un canapé) à boire une quantité incroyable de thés, à fumer des cigarettes qu'on nous tend sans nous laisser le choix et qui grattent un peu la gorge. Je passe de longs moments à regarder les hommes se livrer à d’interminables parties de cartes dans un bureau initialement prévu aux opérations administratives et médicales du village, mais qui se transforme aisément en Night Club pour hommes le soir tombé. On rigole bien et on prend une bonne claque face à ces sourires édentés, jaunes et généreux. Lorsque la nuit tombe, on peut même boire quelques bières qu’on cache sous le bureau afin que le bon Allah n’en soit pas trop irrité. L’après-midi, nous sommes allés, avec toute la famille, vers la mer – 6 dans la même auto – pour en admirer le très beau littoral. Pour terminer les soirées, tout le monde se retrouve dans une maison pour une veillée autour de quelques verres de thé, des cacahuètes et autres sucreries. On joue un peu de musique, on partage de bons moments avec les enfants, on rigole, on observe la cuisine, les habitudes. On fait même une partie de loto où les numéros sont traduits en turc, en anglais, puis en français. Nous profitons aussi de notre sortie en auto pour faire le marché. Les hommes sont missionnés d’aller chercher des mets d’un côté, tandis que les femmes restent dans le bazar afin de faire le plein de légumes et de fruits. Chaque soir, on s’endort plein de toutes ces émotions et de ces riches découvertes dans nos beaux pyjamas aux couleurs vives et à la douce odeur de lessive que nous ne sommes pas prêts d’oublier.

On se décide quand même à repartir. Il le faut bien. Nous sommes le 3 février et nous reprenons la route, non sans émotions, sous les olas des villageois et des enfants qui se sont regroupés sur la rue principale ; près de la mosquée. Chacun y va de ses encouragements et de ses gesticulations pour nous souhaiter un bon voyage. Ça fait chaud au cœur et ça motive pour les premiers kilomètres.

Après ce départ digne d’un départ du Vendée Globe et remplis de tous ces bons moments, ragaillardis par tout ce partage et la rencontre de ces belles personnes, nous revoilà sur nos biclous. Les éléments sont eux aussi « avec nous » puisque le vent nous pousse et le soleil pointe franchement le bout de son nez. Enfin ! Cela rend beaucoup plus agréable ces longues portions sur les bandes d’arrêt d’urgence des voies rapides. On trouve de bons coins de bivouac le soir, tantôt sur la plage, tantôt dans une petite forêt près d’un port de pêche. Au court des journées, nous nous arrêtons souvent dans les stations-service pour faire nos réserve d’eau et y faire des pauses. Ces stations-service s’avèrent être de très bons endroits où l’on peut s’asseoir, profiter souvent d’un petit espace vert avec une table et des bancs. Il arrive souvent qu’on nous y offre le thé. C’est aussi l’occasion de parfois capter le wifi et d’utiliser les toilettes. Les employés y sont toujours bien sympathiques et on peut même y regonfler nos pneus avec les compresseurs. En plus de tout ça, ce sont des endroits bien vivants qui nous sortent des monotones et longues portions d’asphalte. Bref, un peu comme certains adorent les gares ou les aéroports, nous notre truc, c’est les stations-service !

Sur la route, les Turcs sont toujours aussi souriants et avenants. Ils nous demandent toujours si nous avons besoin de quelque chose et sont toujours très heureux de nous indiquer les directions ou de nous aider de quelque manière qu’il soit. Au fil de ces rencontres, au hasard de la route, on se retrouve avec un gros pochon d’olives fraîchement ramassées, d’excellents conseils pour nos bivouacs, des pots de sauce tomate ou de marmelade et de beaux sourires. Les températures ont bien grimpées et le thermomètre atteint même les 24 degrés au maximum de la journée. Quelques crevaisons commencent à égayer notre avancée nous indiquant que nos pneumatiques sont vraiment au bout du rouleau. On espère les faire
« tenir » jusqu’à Izmir où nous trouverons sans doute de bons réparateurs de bicyclettes et surtout du matériel de qualité pour la suite de notre voyage.

Le 5 février, c’est dans une atmosphère plus que brumeuse que nous arrivons au Nord de Çanakkale, dans le détroit des Dardanelles. Même si on aperçoit quelques sommets en face – l’Europe ! –, la vue reste bien mystérieuse. Ce sont là les aléas du voyage à vélo. On arrive au moment où l’on arrive et les conditions climatiques sont celles qu’elles sont. Ces dernières influent tout de même beaucoup sur nos décisions, parfois sur nos humeurs et aussi sur notre énergie. Ce jour là, le brouillard est vraiment impressionnant, à couper au couteau.

Les problèmes mécaniques s’enchaînent avec des crevaisons qui se font de plus en plus régulières, confirmation que nos pneus sont vraiment au bout. Il faut aussi dire qu’ils sont mis à rude épreuve sur ces routes turques ou les graviers sont omniprésents et surtout par la grande quantité de bris de verre qui pourraient bien commencer à nous rendre fous. Cela en devient épuisant et on se surprend parfois à être plus occupés à scruter les 3 mètres qui se trouvent devant notre roue avant plutôt que les époustouflants paysages qui nous entourent. Frustrant.

Le summum arrive à peine 3 kilomètres avant Çanakkale. Sans prévenir, 3 accroches de mon porte-bagages cèdent... S’en suivra une bonne scène d’acrobatie où ma main droite restera sur le guidon pour actionner le frein arrière et l’autre plongera en avant pour tenter de rattraper le porte bagage emporté par le poids des sacoches. En l’écrivant, et en y repensant, je n’arrive toujours pas à comprendre comment j’ai pu échapper à la chute. Le fait est que je suis tant bien que mal resté sur le vélo et que c’est tant mieux. On se remet en route après quelques minutes, après avoir fixé mes 4 sacoches superposées sur le porte-bagage arrière du vélo et un bout de ferraille (mon porte-bagage) bien tordu ficelé sur un côté...

À peine arrivés dans Çanakkale, nous nous arrêtons pour réfléchir à une solution, trouver un réparateur. À peine le temps de sortir le téléphone pour trouver quelque chose sur la carte qu’une voiture s’arrête pour nous proposer son aide. On lui explique la situation et sommes immédiatement invités à suivre l’auto jusqu’à un magasin de bicyclettes. Trop fastoche... Juste devant l’atelier, l’auto qu’on suivait klaxonne un coup et disparaît au coin de la rue. La réparation se passe bien et nous avons à faire à un très bon bricoleur, calme et réfléchi. Nous sommes naturellement invités à nous asseoir et prendre un thé pendant que le mécano et son jeune apprenti court d’un magasin à l’autre pour se fournir des pièces dont ils ont besoin. Au bout d’une petite heure, le porte-bagage avant est de nouveau en place, bien plus solide qu’auparavant et garde le petit côté tordu qui fera en sorte qu’on n’oubliera pas cette journée de sitôt. Nous buvons un dernier thé et je sors mon portefeuille pour payer, mais l’homme refuse avec de grands signes et remet mes sous dans ma poche. Nous mesurons une nouvelle fois cette immense envie d’aider et l’importance de bien accueillir l’étranger. C’est beau, et nous en sommes très reconnaissant.

C’est ainsi que nous repartons et traversons Çanakkale. On flâne un peu sur la grande place au bord de l’eau, on traverse quelques quartiers à bicyclette et on sort tranquillement de la ville afin de trouver un endroit pour la nuit. C’est là qu’on rencontre Ehrsin, qui travaille dans son café. Il nous indique quelques bons coins de bivouac et au bout d’environ 20 secondes, il nous fait savoir que nous avons aussi la possibilité d’être ses invités pour la soirée ! Bien sûr, on accepte. On lui donne un petit coup de main pour fermer son café ; je prends le tuyau d’arrosage pour arroser le gazon fraîchement planté et nous voilà en route pour une bien bonne soirée. Il nous prépare un bon repas, on boit un coup, on discute et dès le lendemain, après un copieux petit déjeuner et une bonne douche chaude, nous nous dirigeons vers le Sud, en direction de l’ancienne cité de Troie. Le soleil est magnifique et le vent souffle encore fort, pas vraiment dans le bon sens pour nous... La bonne nouvelle, c’est que nous quittons les grands axes pour de plus petites routes entre mer et montagnes. On y trouve un peu plus de portions abrités du vent. C’est magnifique, vert et très calme car nous sommes le week-end et les Turcs sont confinés. Nous croisons quelques bergers et une brigade de gendarmerie qui contrôlent simplement nos passeports.

Nous arrivons rapidement à la fin du détroit, là où les bateaux attendent de se faufiler dans cette étroite bande d’eau, là où la mer s’écarte vers un infini bleu ; turquoise... Plus tard, en milieu d’après midi, nous arrivons à Tevfikiye, un petit bourg tout proche du site archéologique de Troie. Malheureusement, le site est fermé pour le week-end en raison du confinement. Nous décidons de rester dans le coin jusqu'au lundi et d’en attendre l’ouverture. Nous allons flâner et prendre un thé sur la place centrale où a lieu le contrôle technique de tous les tracteurs du village. L’événement est assez comique. Nous discutons quelques instants avec les anciens qui, comme nous, observent la scène. En remontant sur nos bicyclettes, nous passons devant un tout petit camping, à quelques centaines de mètres de l’entrée du site. Un groupe de jeunes gens discutent devant. Ils viennent d’Allemagne et du Turkménistan. Le gérant est là aussi occupé à fumer une cigarette et faire ses mots croisés. Il nous fait faire la visite du mini camping qui ressemble plus à un jardinet. On est évidemment seuls. On s’installe et on profite de ces 2 jours pour faire une bonne lessive, se reposer, mettre à jour les « étapes » du blog. Nous participerons aussi à l’émission « Voyage sans aile » de la radio « Allo la planète ». (L’émission est à retrouver en podcast sur le site de la radio).

Le lundi matin dès 10h, nous visitons le site de Troie. À l’entrée, une reconstitution du fameux cheval trône. Pour le reste, le site est intéressant bien qu’un peu complexe. Nous y passons une petite heure déjà pressés de remonter sur nos vélos. Nous repartons vers midi avec un vent de fou comme jamais nous n'en avons eu jusque là. Même dans les descentes, nous avons parfois du mal à dépasser les 10 kilomètres. Nous nous arrêtons régulièrement car c’est très physique et parfois un peu dangereux. Nous privilégierons les petites routes et en fin de journée, alors que l’orage pointe son nez, on se retrouve dans un petit village perdu au milieu de la campagne turque : Akçakeçili – prononcez les « ç »[tch] – Il n’y a pas grand monde dans le bourg et le tonnerre commence à s’approcher. Tandis que les premières gouttes commencent à nous tomber sur le coin d’la goule, on arrête un homme en tracteur, puis un autre qui descend la rue à pied. Nous leur demandons un endroit pour dormir. La pluie est maintenant bien là... O mouille nom de d’la ! On s’est calés, nous et nos bicyclettes, le long d’une grange, à l’abri de la pluie, et les bonhommes sont en face à se gratter la tête et passer des coups de téléphone. Ça dure un moment et, une bonne quinzaine de minutes plus tard, le plus âgé des hommes me fait signe de le suivre. Nous remontons la rue jusqu’à la mosquée. Il trifouille sous un pot de fleur pour y trouver des clés, entre dans la mosquée et ressort avec un autre trousseau. Il traverse ensuite la rue cabossée et nous ouvre une petite pièce où nous pourrons passer la nuit, à l’abri. L’espace est petit, mais juste suffisant pour nos vélos et nos matelas. C’est super. On y fera notre popote et on s’endormira pas trop tard, bien heureux de ne pas sortir la tente ce soir !

Le lendemain matin, la météo est meilleure. Nous rejoignons Assos en traversant de bien jolis paysages et des villages très vivants. À peine descendus de bicyclette, on se retrouve souvent avec un verre de thé bien chaud entre les mains et nous prenons le temps de communiquer comme on peut avec les gens. Certains anciens parlent français et nous racontent, sans jamais vraiment entrer dans les détails, leurs passés de travailleurs en France. Les enfants sont parfois encore là-bas. À la retraite, ils sont revenus au pays retrouver leurs racines et plus de tranquillité. Ils nous disent être contents de parler un peu français et nous proposent toujours leur aide pour quoique ce soit.

Assos est magnifique, gigantesque. Elle fait face à l’île grecque de Lesbos. Nous avons pu y admirer son temple d’Athéna et un superbe amphithéâtre qui admet en fond de scène, l’immensité de la mer Egée. On plante notre tente dans la cour de l’école, à l’abri du fort vent qui continuera de nous freiner les jours suivants. Dès le lendemain, nous poursuivons notre route à travers quelques villas grossières et de vilains villages vacances qui gâchent un peu ce beau littoral. Les crevaisons continuent et on arrive au bout des rustines. Heureusement, dans le village de Burhaniye, j’arrive à trouver un magasin de mécanique qui en vend. Camille m’attend sur un trottoir avec le vélo à l’envers. On répare et étant donné que c’est certainement la 10e crevaison de la journée, on n’a pas vraiment le courage d’aller plus loin. On se trouvera finalement un petit coin sur la plage pour camper, près d’un parc pour enfants. La nuit sera tranquille et réparatrice. Au petit matin, après avoir fait sécher la tente et au moment de repartir, on se rend compte que la roue arrière de Camille est encore à plat et cela nous plombe un peu le moral. C’est reparti pour une énième réparation. C’est à ce moment, où le moral est carrément dans les chaussettes, qu’un camping-car de touristes turcs s’arrête pas très loin et nous tape la causette. Il nous propose de l’aide et finiront par nous offrir un grand pot de marmelade à la mandarine « home-made ». 5 minutes plus tard, c’est les voisins qui sortent et qui nous proposent un thé. On ne refuse pas et un instant plus tard, alors qu’on à les mains dans le cambouis, la dame traverse la rue avec un grand plateau et un petit déjeuner complet. Tartines, œufs, confiture, fromage, thé, salade... C’est grandiose, d’autant qu’elle nous pose ça là sur le petit muret, juste face à la mer. Ça remonte le moral et nous donne de l’énergie pour repartir du bon pied. On fait à peine 5 kilomètres et nous arrêtons dans une station-service pour faire le plein d’eau et un brin de toilette, Une fois de plus, le pompiste nous offre de nous asseoir, de prendre un thé et de profiter des prises électriques et du WiFi. Si il n’y avait pas toutes ces crevaisons, on pourrait se croire au paradis !

Et des crevaisons, il y en a eu, en veux-tu en voilà. La journée en sera remplie.

La météo pour la nuit s’annonce très mauvaise. On va donc forcer un peu le destin et chercher un endroit à l’abri pour ce soir et c’est dans le petit village de Esentepe que nous serons accueilli, chez le mütar (maire du village). D’abord, il nous propose d’installer notre tente dans la cour de l’école puis nous invite à manger une bonne pizza chez lui. Nous dormirons finalement dans leur salon après avoir remballé en triple vitesse notre tente, de justesse, juste quelques minutes avant que l’orage ne s’abattent. Au matin, le soleil est de retour et après une nouvelle réparation, nous remercions nos hôtes pour la bonne soirée passée avec eux.

Aujourd’hui, nous avons eu encore un nombre incalculable de crevaisons cette journée-là, parfois à peine 2 kilomètres entre chaque. Le pneu avant de mon vélo est tellement abîmé que je déjante pendant une descente et manque à nouveau de me casser la binette.

Le soir, après avoir traversé une zone de chargement de containers d’une frénésie incroyable, nous cherchons un endroit pour dormir. Un homme nous invite à passer la nuit dans son mobil-home. Il a l’air dans une grande précarité et s’affaire dans une sorte de panique et de maladresse à aménager son petit chez soi pour nous installer. Après quelques minutes, on se rend compte qu’il est un peu alcoolisé. Le lit qu’il nous propose est maculé de déjections félines et on arrive avec adresse à lui faire comprendre, le plus finement possible pour ne pas le vexer, que son invitation est bien gentille mais que son mobil-home est bien trop petit pour nous 3... Bien manœuvré... Nous remontons donc le village et nous nous installons une nouvelle fois dans la cour de l’école primaire, à l’abri du vent et de l’humidité. Ouf ! On s’en est pas mal sorti sur ce coup là...

Le lendemain, nous avons un peu moins de crevaison, seulement 2. La route est beaucoup plus propre, il y a moins de morceaux de verre sur la chaussée. Nous flânons un peu à Foça qui est un charmant village de pêcheurs et filons ensuite vers Izmir, que nous aimerions atteindre le soir pour nous mettre à l’abri de la pluie annoncée pour le lendemain. On y parvient à la suite d’une grande étape. On entre dans la ville par une grande piste cyclable et nous rencontrons Pawel, un expatrié polonais qui nous invite dans son appartement pour capter internet et nous permettre de réserver un logement pour ce soir. Finalement, Moustafa, un cycliste de Izmir inscrit sur le réseau Warmshower et que Camille avait eu l’intelligence de contacter lors d’une nos sessions WiFi dans une station service, nous a trouvé une hôte. Il s’agit de Yeşim, chez qui nous sommes au moment où j’écris ces lignes ! Nous nous y rendons après avoir bu un bon café polonais et une omelette délicieuse préparée par Pawel.

Ce que nous n’avions pas tellement prévu, c’est que Yeşim, habite de l’autre côté, à l’opposé de la ville, et qu’il nous faudra parcourir pas moins d’une trentaine de kilomètres pour rejoindre son appartement, dans la nuit. Ce n’est pas bien grave et les jambes sont étonnamment légères après pourtant plus de 100 kms au compteur. Le vent nous pousse et Yeşim nous accueille avec un grand enthousiasme. Après un dernier effort pour monter nos affaires et nos bicyclettes en haut des 5 étages menant à son appartement, on mange un 2e repas, ce qui n’est pas tout à fait pour me déplaire. On dort bien, faisons la connaissance de Frodo, le chien aveugle, et de Theresia la maman de Yeşim qui est dépendante et dont elle s’occupe 7 jours sur 7, 24h sur 24. On se sent tout de suite biens et nous décidons suite à l’invitation de Yeşim, de rester là quelques jours en attendant que le thermomètre remonte un peu. Le dimanche est pluvieux comme prévu et les jours suivants sont froids. Nous nous déplaçons avec les bicyclettes car la ville est très étendue. Pour ce qui est de l’opération « changement de pneus », nous trouvons rapidement un atelier-magasin qui nous fera une révision complète des vélos. L’ambiance y est très familiale et de nombreux cyclistes passent boire un café ou papoter un peu. On y reste une bonne heure, observant le travail méticuleux de Ali (ancien coureur pro) et de son équipe. On s’attarde sur l’autographe de Laurent Jalabert affiché au mur, buvant nous aussi des cafés. Une fois les vélos en état et nettoyés, les mécaniciens finiront par nous commander un bon repas qu’on mangera dans le fond de l’atelier. Incroyable accueil turc ! C’est aussi à ce moment là que nous faisons la rencontre d’Alexis, un autre cyclo-voyageur de 24 ans qui sillonne les routes d’Europe en solitaire. On sera sûrement amenés à se recroiser bientôt.

Quelques minutes plus tard, c’est au tour de Moustafa, le Warmshower contacté avant d’arriver à Izmir, de débarquer au magasin. Il nous emmène boire un café et quelques pâtisseries tous les 3. Le lendemain, nous serons interviewés pour la chaîne YouTube de son association.

Cette pause à Izmir nous a permis de réfléchir à la suite du voyage, de repartir avec des pneus neufs (ça va vraiment nous changer la vie) et même de nouveaux souliers pour moi ! Nous aurons partagé d’excellents moments avec Yeşim qui en plus d’être très joviale et d’une énergie débordante nous a préparé de superbes petits plats. Camille testera même une session de zumba avec elle et ce soir, on lui prépare une soupe à l’oignon, une tarte aux poireaux et un gâteau au chocolat avant de repartir demain matin, cap au sud direction Antalya. Nous allons suivre au maximum la côte et allons sans doute y trouver des températures plus clémentes et des paysages somptueux !

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