Bivouac et nouveau réchaud artisanal - Km 7568,5

2/1/2021. Slodak Kladenetz, Bulgarie.


Il est 8h53 et il ne fait pas bien chaud mais le soleil nous envoie quelques rayons qui nous annoncent une belle journée. La plume de mon stylo accroche le papier, tremblante. 


Ce matin, nous sommes perchés sur une petite colline au milieu de la forêt. Et on prend le temps. La toile de tente est suspendue à une branche séchant de la condensation de la nuit. L’herbe à côté de nous est bien gelée et le soleil orangé se hisse difficilement à travers les troncs. Les quelques rayons qui parviennent jusqu’à nous suffisent à nous réchauffer. Il faut dire que le petit déjeuner fut une sacrée réussite car on a pu tester, en conditions réelles, le réchaud fabriqué à Plovdiv avant-hier ! À l’aide d’une canette de soda coupée en deux, un petit bricolage et de l’alcool à brûler ; on pourra mettre le lien vers le tuto (et pas le Tito) dans les commentaires en bas pour ceux que ça intéresse... Le système semble vraiment efficace, même à faible température et va nous éviter de parcourir vainement les décathlons bulgares à la recherche de cartouches de la marque Camping gaz. On est sacrément contents de notre nouvel outil et puis un café chaud permet de chauffer autant le gosier que les mains !


La nuit, la température descend bien, mais nous sommes au chaud sous la tente et dans nos bons duvets rouges. Les pieds sont calés dans nos grosses chaussettes et bien isolés du sol par nos matelas thermiques. On y ajoute notre manteau et on se sert de la capuche des sacs de couchage, ne laissant sortir que notre bouche et notre museau. Je vous laisse imaginer l’allure qu’on a… Mais au moins de cette manière, toute la température du corps est conservée et l’humidité créée par notre respiration ne va pas dans le sac de couchage. Un petit bonnet sur les oreilles et c’est parti pour un bon gros dodo. Bon ça, c’est quand tout va bien, c’est même un tantinet enjolivé afin de faire vibrer en vous le rêve. Mais il arrive souvent, qu’à un moment de la nuit, sans s’en rendre compte, les orteils tentent une escapade en dehors du matelas. Ça nous réveille aussitôt. Il faut aussi se faire aux aboiements des nombreux chiens des fermes aux alentours qui parfois aboient en réponse à leurs échos. Parfois, on a même le droit aux longs chants des chacals dorés qui se mettent à hurler tout autour de nous. En plus de ça, on ne va pas vous le raconter parce que ce ne serait pas bien poli, ni très poétique, il y a le moment où on a envie de faire pipi à 2h du matin. Là évidemment, faut y aller, surtout que de se retenir donne froid. (merci Paul Weeger pour ce conseil de scout avant le départ). L’envie soudaine nous pousse donc à nous extirper du duvet, puis du sac de soie. À l’intérieur. Il faut ensuite trouver ces chaussures qu’on a soigneusement rangées dans un sac en plastique pour les protéger de l’humidité. Ensuite, il faut chercher le zip de la porte. Se contorsionner pour mettre la tête dehors et puis le reste… Ensuite, il faut re-rentrer, se réinstaller. Le coussin fabriqué avec un tas de vêtements dans un sac de tissu n’est plus à la bonne place et n’a plus la bonne forme. On s’emmêle un peu dans le sac, mais on finit par retrouver la bonne position. C’est reparti pour une petite ronflette jusqu’à entendre les premiers coqs qui devancent avec orgueil notre réveil.


Aujourd’hui, nous poursuivons notre avancée vers l'Est. On est plus très loin de Stara Zagora qu’on devrait passer aujourd’hui. Les routes sont splendides, calme. On dirait que les arbres ont été recouverts d’une couche de bronze, habillés du dernier feuillage orange qui tire sur un marron étincelant. Au loin, les sommets enneigés. Hier, toute la journée, on a pu voir le mont Bouzloudja. À son sommet, un immense monument en béton datant de l’époque communiste se dresse. S’il avait fait moins froid là-haut, on y serait sans doute passés car beaucoup de cyclo voyageurs en parlent sur leur carnet de voyage comme d’un endroit spectaculaire. Nous nous contenterons de l’observer depuis la plaine avec nos jumelles et c’est déjà pas mal impressionnant. L’histoire dit qu’il aurait été construit pour être vu depuis Moscou… 


Sur les bords des routes, les gens sont très souriants, on nous demande régulièrement si on a besoin d’aide ou d’indications pour nous diriger. L’attitude des gens à notre égard n’est pas du tout la même qu’à l’Ouest du pays. Ça met de l’essence dans nos moteurs. On nous souhaite la bonne année — chestita nova godina — et on nous lance quelques encouragements. On est benaises ; on roule tranquillement et quand le soir tombe, que le soleil passe derrière la montagne faisant baisser la température d’une poignée de degrés d’un seul coup, on se met à la recherche d’un coin de bivouac. Camille a froid au bout des doigts, alors elle râle un peu, mais on trouve facilement un bel endroit ici, sur cette petite colline bulgare. Dans quelques jours, nous serons à la mer noire, à Burgas. Ce sera une étape importante, symbolique. Imaginez, vous, on aura traversé l’Europe de l’Atlantique jusque là-bas, et pas par la route la plus courte. En attendant, on continue de profiter de ces belles journées d’hiver. Les jambes vont bien, la tête aussi. On chante, on rit et on pédale avec entrain et contemplation. Le soleil nous fait du bien. Le fait d’avoir retrouvé un moyen de manger chaud et la beauté des paysages forment un savoureux cocktail qui énergise joyeusement nos coups de pédales !

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Commentaires: 2
  • #1

    Isa Talbot (samedi, 09 janvier 2021 21:17)

    Et bien que d'aventures ! Vous lire bien au chaud au fond de mon canapé me fait savourer vos écrits. Comment faites vous pour dormir à côté des chacals ? Je serais morte de trouille.
    Toutes ces rencontres c'est génial, cette grand mère, j'ai l'impression que je la connais un peu en vous lisant.
    Je vous envoie tous mes vœux pour cette nouvelle année exceptionnelle, exceptionnelle pour nous aussi d'ailleurs, une année qui ne ressemble a aucune autre.

  • #2

    Camille et Julien (dimanche, 10 janvier 2021 16:28)

    Coucou Isabelle. Bonne année à toi aussi ! Merci pour tes petits messages.
    Pour info et pour te rassurer, les chacals dorés qui peuplent les petites collines et les alentours de nos campements ne sont pas dangereux pour l'homme.
    https://www.instinct-animal.fr/chacal-dore/
    Et puis, après 70 kilomètres de bicyclette, en général, on dort sans problème !
    Des bises bulgares et peut-être bientôt turques... �‍♀️�‍♂️