Sac à dos et chaussures de randonnée - Km 5452

Depuis quelques jours, nous avons continué de découvrir Shkodër et ses environs. Toujours très chaleureusement accueillis par Susan et Chuck. C’est une étape particulière, un point de pause important de notre voyage. Nous y aurons passer quasiment une semaine en prenant le temps de nous plonger dans l’atmosphère singulière de la ville et profitant de la sympathique joie de vivre de nos hôtes. On s’y laisser vivre facilement et assez directement. Pourtant, l’environnement est sacrément différent de tout ce qu’on a pu traverser jusqu’ici. Les mosquées, les rues qui fourmillent doucement, des gens qui prennent élégamment le temps de vivre, des terrasses de cafés où les chaises ne restent jamais longtemps vides, des parties de dominos ou d’échecs un peu partout, des vendeurs sur les trottoirs, des taxis et chauffeurs qui crient vigoureusement leurs destinations, des sourires communicatifs, beaucoup de vélos et de circulation, des sons qui s’harmonisent parfaitement entre-eux ; bref, ça vit !

Nous avons partagé à Shkodër la compagnie de Lucas et Wynona et avons pris un peu plus de temps pour nous connaître. Au cours d’une discussion, on décide d’ailleurs d’organiser 3 jours en montagne dans le parc naturel de Tethi-Valbonë, un peu plus à l’est, pas très loin du Kosovo. Nous prenons une journée pour organiser tout ça, glaner des informations, réserver nos étapes du soir et récupérer encore un peu plus de nos efforts cyclistes monténégrins. Nous partirons le lendemain en jeep vers Tethi, puis une journée de randonnée jusqu’à Valbonë et retour en bateau-bus vers Shkodër. 


Le lendemain matin, on est debout de bonne heure avec le sourire jusqu’aux cheveux ! Autant vous dire qu’on est bien excités par ces 3 jours qui nous attendent. On ne perd pas de temps car le rendez-vous est à 7h près d’une auberge de jeunesse du centre-ville. À 6h50 on y est, sacs à dos - prêtés par Susan - vissés sur l’échine. Le jeep nous attend et l’aventure peut commencer. Freddy prend le volant et Rosa s’installe dans le coffre pour nous laisser les sièges passagers. On place aussi nos masques sur nos museaux car depuis quelques jours, quelques mesures anti-épidémie ont été instaurés comme le port du masque obligatoire dans les lieux publics et un couvre-feu entre 22h et 6h du matin ; les restaurants et bars restent quant à eux ouverts pour notre plus grand soulagement…


Nous voici donc embarqués à bord d’une jeep direction la montagne et le village de Tethi. La route commence par un itinéraire un peu hasardeux empruntant de toutes petites routes pour éviter les grands axes. En effet, Rosa n’a pas tellement le droit d’être dans le coffre et on risque une amende si on croise la maréchaussée locale. Elle semble pourtant bien calée à travers toutes les provisions et les sacs pour le repas du soir. On rigole bien et on est mis à contribution pour trouver la « bonne route » avec les applications de nos téléphones. On finit par se sortir des chemins cabossées et rejoindre la route principale. À un moment, nous avons la consigne de retirer nos masques car on ne devrait plus croiser de gendarmes sur cette route. Nous comprenons donc que l’application des règles sanitaires est bien plus motivée par la crainte d’une contredanse que par la peur d’attraper le virus. 


On commence à grimper sur une petite route asphaltée jusqu’en haut du col, là ou le bitume s’arrête. On y boit un café, profitant d’un très impressionnant panorama. Mais ça ne fait que commencer car aussitôt reparti, le jeep plonge avec prudence vers la vallée pour rejoindre Tethi et la guesthouse familiale de Rosa et Freddy. Les routes sont beaucoup moins faciles et demandent une certaine habileté dans le pilotage. On s’accroche et on comprend mieux le besoin de venir ici avec une auto tout terrain. En tout cas, nous sommes bien contents d’avoir laissé nos bicyclettes en bas ; ça aurait été vraiment difficile voire impossible d’arriver jusqu’ici.


Nous arrivons à la guesthouse en fin de matinée. Rosa nous prépare un thé délicieux avec des gâteaux vachement bons et un excellent miel des montagnes. Ça commence bien. La vallée est magnifique et nous profitons du temps nécessaire à notre hôte pour préparer les chambres et le repas pour faire une petite marche le long de la rivière. Échauffement pour le lendemain. On y croise des moutons sautant, quelques impressionnantes cascades et une vue époustouflante sur le canyon. Avec notre nez fin et nos talents d’explorateurs on trouve même un bistrot perdu au milieu de ses sentiers ! On ne résiste pas et on s’arrête là un instant pour partager une bonne canette de bière industrielle albanaise avec nos amis belges dans une ambiance des plus apaisantes. La musique réchauffe une paire d’enceintes suspendue à un arbre et la bière rafraîchi nos estomacs, laissant nos esprits se remplir de tout ce qui nous entoure.


C’est donc bien rechargés par ces quelques instants où la contemplation et le bonheur d’être perdus au milieu de ses impressionnantes montagnes nous donne une bonne dose d’énergie positive que nous regagnons la petite maison au milieu des montagnes. Rosa a fait du feu, et c’est tant mieux car la température a chuté et nous nous sommes équipés au minimum afin d’alléger les sacs à dos. La soirée s’annonce très fraîche alors on se colle au poêle et on boit un peu de rakiya pour se réchauffer. Rosa nous a préparé un super repas avec une bonne soupe bien riche, de la super viande, des légumes et du fromage. On se régale et on passe un très bon moment ; on discute de l’Albanie, du tourisme, de la montagne et puis on monte dans nos petites chambres toutes mignonnes. Les murs sont en bois. On se « canige » sous une épaisse couche de couvertures et on n’a plus froid. On ne bouge plus et on passe une bien bonne nuit dans notre petite cabane au milieu de la vallée précieusement silencieuse. 


Le matin, un super petit-déjeuner préparé avec amour par Rosa nous attend. On régale nos estomacs avec du fromage des montagnes, du miel, de la confiture, du pain. On se sent un peu comme des rois et désormais bien en forme pour affronter la journée ! On attend 9h pour partir car le soleil arrive juste dans la vallée et il fait encore bien frais. Mais dès les premiers rayons de soleil et avec les premières pentes, on se retrouve vite fait en bras de chemise. Camille ose même le short ! On grimpe sur la montagne pendant 3 bonnes heures. On prend le temps, on s’arrête, on contemple, on ouvre les narines et les yeux au maximum. Nous traversons des forêts absolument magnifiques dont l’automne réchauffe encore un peu plus l’atmosphère. Jaune, orange, rouge, terre, cailloux blancs rugueux sous nos souliers et nos pieds, bruits des feuilles. Nos pieds et nos jambes retrouvent un usage qu’ils avaient presque oublié suspendus sur les pédales à longueur de journée. Ça fait du bien, ça convoque aussi des muscles peu ou pas utilisés. Ça tire un peu aussi…

On grimpe mètre après mètre. Nous sommes seuls et le silence est saisissant. Beau, puissant. Le soleil chauffe bien à présent, même si au détour d’un virage ombragé on est admiratifs d’une gelée qui résiste vaillamment à la puissance des rayons du soleil. On marche bien, prenant le temps de bien manger et aussi de se reposer. Parfois, le chemin se fait plus pentu, escarpé. Le souffle s’accélère. On soulève un peu plus les godasses et on y met un peu plus d’énergie. Tous ces efforts (relativement tranquille quand même) nous amène au passage du col de Valbonë à un peu plus de 1700 mètres d’altitude. Là-haut, le temps semble différent, suspendu. Une vue spectaculaire à 360° s’offre à nous. En bas, les vallées de Valbonë et de Tethi. Ça coupe le souffle et ça fait briller les yeux tellement c’est beau et majestueux. On reste là un moment un peu hébétés par tant de splendeur. Les montagnes nous entourent comme un cirque géant et on se sent vraiment tout riquiqui au milieu de ce grandiose décor ; des petits êtres au milieu de cette saisissante immensité. 

Le vent souffle un peu là haut. On prend quelques photos pour immortaliser le moment, puis on reprend les sacs à dos direction « en bas ». Sacrée descente. Quasi voire plus physique que la montée. Il nous faut être attentifs pour ne pas se casser la binette ! On prend notre temps mais pas trop non plus car le soleil commence à descendre et ne tardera pas à passer derrière les montagnes. Tout de suite, les degrés chutent. Les heures passent et on finit la randonnée dans le lit de la rivière asséchée. Tout est blanc, sculpture géante au milieu de laquelle on est évolue librement. Puis, après quelques autres kilomètres, nous rejoignons une route asphaltée. Ça sent la fin. Maintenant, c’est plat. Il nous faudra quand même marcher 4 longs kilomètres sur cette route avant de rejoindre notre deuxième guesthouse. Pas tellement habitué à randonner et marqué par le sol irrégulier, je finis avec une petite douleur au genou qui finira par passer les jours suivants. 

La vallée nous permet de nous resocialiser gentiment, retour en douceur ; on rencontre 2 américains qui font un road trip en Van, puis un chien qui nous escortera vaillamment et avec une certaine fierté. Il nous protégera avec une certaine férocité, comme mené par une mystérieuse mission, de tous les dangers qu’on croisera ; un troupeau de vaches et deux-trois voitures… Lukas lui donne même un surnom, mais je ne m’en souviens plus. 

Nous arrivons à la nuit tombante dans une sorte d’hôtel qui semble fermé. Un homme nous accueil et a préparé une chambre pour nous avec deux lits superposés et deux petits chauffages électriques qui chauffe courageusement la pièce. Nous sommes seuls dans l’hôtel. La soirée est sympathique, on joue aux dominos et on mange avant d’aller dormir. Entre temps nous avons négocié avec l’homme qu’il nous amène au ferry qui démarre à 6h. Il faut une heure de voiture pour y aller et Wynona se permet d’insister pour qu’on soit bien à l’heure. Pas de problème pour l’hôtelier qui nous donne rendez-vous à 4h30 pour un café et petit-déjeuner.


4h réveil. Aucun bruit dans l’hôtel. Normal, nous sommes tous seuls. On se prépare tranquillement et à 4h30 pétante nous sommes prêts dans le hall glacial de l’hôtel. 4h45, personne mais on ne s’inquiète pas trop. 5h10, on passe un coup de téléphone sur le numéro qu’on avait récupéré à Shkodër… pas de réponse. 5h15, là ça sent mauvais, on se dit que tout foutu (la vache pi l’boudu !). 5h20, on rappelle. Surprise, ça répond. 5h25, le gars arrive avec les petits yeux, il sort du lit. Il a 4 sacs plastiques avec nos petits déjeuner et nous prie de rejoindre rapidement la voiture garée devant. On lui dit que ce n’est plus possible d’arriver à l’heure mais il a l’air de vouloir tenter le coup… On sent que ça va être aventureux. 

Il roule vite, le pare-brise est à peine dégelé, il bidouille des trucs sur son téléphone faisant aller dangereusement l’auto sur la voie de gauche… Pas de panique. La musique est à fond, il a le sourire et nous on est pas des méchants alors on sourit aussi. Notre pilote du jour évite habilement quelques ânes et bovins. On coupe avec allégresse les virages embrumés tout en s’accrochant par réflexe à nos sièges. Notre chauffeur parvient, semble-t-il, à contacter le capitaine du ferry (welcome in Albania !) et à 6h17 nous arrivons au port. Le bateau est là, il nous a attendu, même pas le temps pour nous de stresser ! Vive l’Albanie !


Nous voilà désormais sur l’eau vers Koman. On va lentement - changement de rythme brutal - ce qui nous permet de profiter à fond des décors montagneux défilant de chaque côté. C’est vachement beau, ça sent un peu l’essence, il fait froid, le bateau est beau, pétaradant, peinturluré d’un bleu accueillant, bricolé et soudé d'un peu partout. Il s’arrête chaque fois que quelqu’un attend sur la rive chargeant et déchargeant avec une certaine routine passagers, marchandises et bestioles en tous genre. On reste beaucoup à l’intérieur à cause du froid. La carlingue semble être la partie haute d’un bus. Les sièges sont aussi ceux d’un autocar. 

3h plus tard, on pose pied à terre et on grimpe directement dans un minibus assurant la liaison Koman-Shkodër. La route est encore une fois saisissante de vie et de beauté. Et comme là on ne pilote pas, on en profite d’une autre manière.


Arrivée à Shkodër en fin de matinée, on rejoint l’appartement de Chuck et Susan un peu comme si on rentrait à la maison. On mange, on se repose un peu car le réveil a été matinal et on a déjà vécu pas mal d’aventure pour la journée. On repart en début d’après midi flâner dans les rues de cette ville dont on apprécie toujours autant l’ambiance si particulière. On y retrouve Romain et Nadège, deux autres belges croisés quelques jours plus tôt à Vilpazar au Monténégro. Nous passons un temps ensemble avant de passer notre dernière soirée chez nos hôtes américains. Eh oui ça y est, nous avons décidé de lever les voiles, de faire tourner à nouveau les pédales et de repartir tous les 4 avec Wynona et Lukas pour découvrir ce pays qui nous attire beaucoup. Ce passage à Shkodër marquera notre voyage par son changement culturel et ce qu’il provoque chez les voyageurs que nous sommes. Susan et Chuck resteront des personnages incontournables de l’histoire que nous tissons et on les remercie de tout notre cœur pour leur accueil, leur humour, leur générosité et leur inspirant art de vivre.

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