Traversée croate - Km 4932

Arrêt après quelques kilomètres parcourus le long de la mer adriatique. On a changé d’heure cette nuit. Nous ne l’avions naturellement pas anticipé et pour nous, ça ne change pas grand chose. Le réveil est tranquille après une bonne pizza dégustée dans le resto voisin la veille au soir et une nuit dans le petit camping fermé de Seget Donji tout près de Trogir. Ce matin, nous avons traversé de charmants villages, dont Trogir. Nous sommes en approche de Split qui est encore à une vingtaine de kilomètres mais qu’on aperçoit déjà au loin depuis un petit moment maintenant.


14 jours en Croatie, ça commence à faire. Le climat et l’ambiance font qu’on a pas mal roulé. D’abord, il y a eu le passage en Istrie marqué par un peu de casse sur le vélo de Camille. Cassette HS et une attache de sacoche cassée maisnous avons aussi fait une très sympathique rencontre avec Danilo, Miro et Ratko dans le village de PomerBon allezonvous raconte tout ça en détail. Ça se passe après une journée un peu galère où on a pas mal marché à côté des vélos à cause de la cassette cassée de Camille. Plus moyen de pédaler et passimple de trouver un réparateur. Tout étant axé sur le tourisme, il n’y a pas tellement d’autres activités. C’est d’ailleurs souvent un peu effrayant et frustrant pour nous, surtout en cette saison  tout est fermé. Bref, on finit par trouver un réparateur après plusieurs heures de marche. Ce dernier travaillera avec une certaine efficacité mais avec la brutalité poétique et effrayante croate. 

Nous revoilà juchés sur nos bicyclettes. Nous allons vers la pointe de l’Istrie. On va aussi vers de gros nuages noirs qui annoncent un bel orage. Téméraires que nous sommes, on se lance quand même sur les petits chemins de la réserve naturelle de PrementuraOn vous invite à jeter un œil sur la carte, c’est vraiment le bout du bout. C’est pas tellementcarrossable et plus on avance plus ça devient dangereux avec nos chargements. On décide donc de faire demi-tour alors qu’on n’était pas tout à fait au bout. C’est plus prudent et on ne traîne pas pour rejoindre la route un peu plus loin. On voit l’orage arrivé sur la mer ; l’image est assez intense et pas bien rassurante pour les deux petits cyclistes en promenade que nous sommes. Le ciel se nourrit davantage. Au village de Pomer, une sorte de long ponton tout biscornu qu’on prend sans trop réfléchir nous emmène à un petit restaurant. Troisbonhommes sont là et ça semble ripailler gaiement ; on passedevant eux. On s’arrête, on fait demi-tour, on leur demande s’ils connaissent un coin où dormir. Évidemment, l’endroit, comme toute la côte croate pullule d’appartements pour loger les quelques quatre millions de touristes qui se massent sur ces côtes chaque été. Nous, on n’est pas trop appartement et on aime bien dormir dehors, voire même plutôt dans des endroits humanisés si possible. Alors après quelques discussions et voyant que l’un des trois gaillard semble assez curieux de notre aventure, on lui demande si on peut poser notre tente là, ici, dans le restaurant qui est en fait un alignement de grosses tables en bois recouvertes par de grands tivolis. Ça serait idéalpour dormir. Le propriétaire, c’est Danilo. Pas de problème pour lui. On s’installe alors que les premières gouttes tombent dehors. On se change vite fait et on commence à sortir nos affaires pour manger. En face, ça ripaille toujours prêt d’une grande cheminée extérieure et on finit par se faire inviter à partager leur repas. De la bonne viande, très bien cuisiné, on ne sait pas trop ce que c’était mais il y avait des parties assez curieuse, sans doute la tête d’un animal… D’abord, on mange à la table d’à côté, puis on nous invite à boire un coup de blanc. On finit finalement, après quelques minutes, tous à la même table. C’est assez drôle ce temps assez long qu’il faut pour accueillir. Comme si il y avait une certaine pudeur, une timidité teintée d’un air bourru. En tout cas, on passe une très bonne soirée et on dormira finalement derrière le bar à l’intérieur d’une petite cabane fermée, à l’abri du froid. Le lendemain, on tentera un départ entre deux averses mais après une dizaine de kilomètres, on fait demi-tour pour revenir chez Danilo. On y passera la fin de journée et une nouvelle nuit qui fera place à un grand soleil nous permettant de rouler beaucoup plus agréablement.

 

Ça nous fait drôle de repartir vers le nord. Tous ces changements de direction, nous les sentons bien sur nos biclousNous sommes en direction de Rijeca, nous évitons les orages et c’est assez miraculeux car on les voit tomber tout autour de nous toute la journée et nous menacer avec une certaine malignité. Ce soir là, le ciel de nouveau clair, on trouvera un super coin de bivouac tout près d’un cimetière. Un petit coin d’herbe avec une magnifique vue sur le village de Plumin et sur les montagnes. Une vallée en bas et une impressionnante centrale hydroélectrique. Cet emplacement paisible et funèbre nous offrira tous les avantages d’un bon bivouac, c’est-à-dire de l’eau et une tranquillité implacable dû au voisinage particulier. On y passe encore une bonne nuit, à l’abri des regards. C’est sans doute un de nos meilleurs coins jusqu'ici et on est pas peu fiers. 

 

Allez hop, on finit de remonter la côte jusqu’à Rijeca, cette grande ville portuaire où il fait pas bien chaud. Mais le soleil est tout de même de la partie alors c'est bon pour le moral

Nous passons assez rapidement car il s’agit là d’une ville importante avec sa circulation et du bruit permanent. Pas très reposant. En sortant de la ville, on est assez impressionné par l’installation portuaireQuelques énormes bateaux sont sortis de l’eau pour travaux et de grandes installations pétrolièresjalonnent le littoral. Désormais, on longera principalement la côte jusqu’à Zadar. C’est la grande route des autos, mais à cette saison, on y est plutôt tranquille. Il faut juste serrer un peu les fesses lorsqu’un gros camion arrive derrière nous où qu’un chauffeur croate un peu blagueur s’amuse à nous klaxonner en nous frôlant pour nous effrayer. C’est toujours une bonne rigolade partagée… Parfois, c’est grand silence et d'un coup, sans prévenir, une dizaine de Porsch débarquent au détour d’un virage faisant la course sur ce circuit de rêve.

 

À notre droite, on commence à apercevoir les îles et à notre gauche s’élève l’impressionnant parc du Velebit. On choisi de prendre la route du littoral après notre rencontre avec un vététiste slovène dans le petit village de Bribir où nous avions commencé à grimper pour passer par ce fameux parc Velebit. Finalement, après discussion et étude de la météo, on finit par décider de changer d’itinéraire. Plusieurs options s’offraient à nous. Option 1 : Velebit, beaucoup d’ascensions et surtout du froid avec des températures aux alentours de 6 ou 7 degrés. Option 2 : par la route côtière réputée dangereuse en été pourla bicyclette car très roulante. Mais là, c’est l’automne et ça n’a rien à voir. Ça serait même assez royal de disposer de cette grande route que pour nous. Option 3 : passer par l’île de Pag. Mais là c’est pareil, c’est la météo qui nous décourage et le vent très puissant (bura) qui souffle là bas.


Nous choisirons donc l’option 2 et nous ne serons pas déçus des paysages magnifiques et de l’engagement physique modéré que cette route nous demandera. Bon choix. Le seul petit bémol, c’est qu’on est vraiment seuls, très peu de rencontre car toutes les installations sont touristiques etfermées. Les rares rencontres sont souvent assez froides et presque toujours accompagnées d’un intérêt marchand. Pas toujours agréable à vivre pour nousLa saison a été difficile pour les Croates et je pense qu’en règle générale les Européens de l’ouest (allemand, néerlandais, français) sont considérés comme des porte-monnaies sur pattes. C’est un peu frustrant car ça rend la discussion et la rencontre quasi impossible. On commence à se dire qu’il faudra sûrement se contenter des paysages, des magnifiques routes et du soleil automnal

Heureusement, et c’est vital, on rencontre quand même parfois de chouettes gens qui nous indiquent de bons coins de bivouac ; à Riberica on dormira sur la plage face à l’énigmatique île de Pag toujours balayée par le vent à longueur d’année. Le lendemain, c’est sur une autre plage que nous dormirons, face au village et aux imposantes montagnes du parc naturel national Paklenica. Cette immensité nous est apaisante et nous rappelle notre place de petits bonhommessur cette immense planète. Sur les pédales, en traversant ces immenses paysages, il m’arrive souvent de repenser à ce bouquin de Voltaire, Micromegasqui est pour moi assez fondateur. Je vous invite, si vous avez un peu de temps et si ce n’est pas déjà fait à le lire. C’est pas long et plutôt bien foutu. Il faudrait d’ailleurs que j’en fasse une 2e lecture à notre retour. Sûrement j’aurai une autre vision des choses sur ce petit bijou de littérature et d’humanité expliquée. 


Aujourd’hui, on est le 22 octobre, c’est le jour 67 de notre voyage. Quasiment ¼ du temps que nous nous sommes fixé. On flâne dans Zadar et on monte dans le ferry pour l’île de Ugljan. On met un peu de temps à trouver un coin de bivouac ce qui nous amènera à rouler de nuit avec les frontales jusqu’àune petite église dans une crique. Nous sommes juste face au pont qui relie l’île Ugljan à celle de Pasman. Rigolo de rouler sur des îles, même s’il est difficile de profiter de toutes leurs richesses car le terrain n’est pas partout adapté à nos bicyclettesDe toute manière, nous nous mettons bien à l’esprit qu’il sera impossible de tout voir, de tout faire. Roulons, profitons du vent doux qui nous pousse et du soleil qui illumine nos joyeux visages.

 

Le lendemain, on rejoint le continent traversant les nombreux champs d’oliviers qui jalonnent notre route. C’est la récolte. Les gens s’affairent dans les champs. C’est intéressant à voir mais toujours pas facile de discuter avec les gens, alors que ça pourrait être bien intéressant d’échanger sur ces moments et les pratiques agricoles

 

Le soir, nous arrivons dans la jolie station balnéaire de Vodice. On y aperçoit le curé du village. Ni une ni deux, on lui demande l’hospitalité pour la nuit. C’est OK. On lui laisse le temps de célébrer des funérailles et à Camille de réviser son signe de croix. De mon côté, mes racines vendéennes et mon éducation chrétienne libèrent naturellement les bons réflexes ! Nous dormirons donc dans la salle de la catéchèse. On y est bien et ça nous permet de laisser les bicyclettes le temps d’aller boire quelques petites mousses sur le remblais. On passe un agréable moment, posés, le cul sur une chaise en habits civils. On a trouvé un petit bistro sympa, assez sobre au milieu du Magic Coconut et autres bars à paillettes vides de touristes. D’un côté, c’est assez cool de ne pas être dans la folie touristique de l’été. Et en même temps, c’est pas bien vivant. On profite de ce temps pour faire un petit appel vidéo avec la Vendée.


Au moment de rejoindre notre résidence de la soiréesurprise… la porte est fermée à clé. Alors là, on n’a pas l’air très malins. Toutes nos affaires et nos bicyclettes enfermées et nous dehors... On est pas tellement inquiets car on a aperçu du mouvement à l’église ; on s’y dirige, mais l’église est vide. La messe du soir semble juste terminée car il y a encore de la chandelle. On se dit que quelqu’un va bien finir par venir fermer pour la nuit. D’autant que la sacristie est restée entrouverte. On attend et juste au moment où le temps commence à se faire un peu long, le curé sort d’une maison juste à côté. C’est la maison des bonnes-sœurs. On est bien heureux de le trouver et lui un peu surpris de nous voir là. Il a même, quand on lui explique notre drôle de situation, un petit sourire en coin. Ils nous accompagnent donc une 2e fois dans les locaux paroissiaux et cette fois, on en sort plus jusqu’au lendemain matin. 


C’est bien d’être à l’intérieur de temps en temps. Un peu plus reposant de ne pas avoir à installer la tente et le couchage, de ne pas avoir besoin de sécuriser les bicyclettes avec nos supers systèmes antivols : 4 ou 5 grelots disposés sur les sacoches et suspendus sur les vélos, le tout recouvert de notre magnifique bâche bleu de chez « casto-Poitiers ». Ce soir, les vélos sont à l’abri dans la même pièce que nous, on pose les matelas au sol et après notre succulent et rébarbatif « pâtes-saucisson-gruyère », on passe une bonne nuit. Le lendemain, nous repartons vers 8h sans recroiser notre cher curé que Dieu se chargera de le remercier à notre place. Amen ! 


C’est donc avec l’esprit purifié et les mains désinfectées que l’on se lance dans une étape humide et vallonnée. C’est l’occasion pour moi de tester mon nouveau pantalon de pluie dégoté au Décathlon de Rijeka quelques jours plus tôt. Super équipement qui permet en plus de couper le vent et de préserver la chaleur corporelle de garder les pieds au sec. Et ça, ça change vraiment la vie. Ça rend presque la journée de pluie agréable ! En tous cas, on continue de traverser des paysages magnifiques. On s’enfoncent un peu plus dans les terres, prenant de la hauteur, croisant des villages et des habitants toujours pas très souriants. De temps en temps, un grand signe de main nous est envoyé mais pas beaucoup plus d’échanges quand on s’arrête. Tant pis !

 

Sur notre route, on croisera de vieilles villes comme Sibenik que nous prenons le temps de visiter. Le soir, on s’installe dans un petit camping à Seget, en plein cœur du village. Il est fermé et personne ne viendra nous demander quoique ce soit. On s’offre même le luxe d’une bonne pizza au bord de l’eau qui nous permettra de laisser passer un gros orage. Ça se calme un peu et on se dépêche de rejoindre notre petite tente  on s’engouffre bien repus.

 

Au matin, un petit rayon de soleil à travers les nuages nous permet de faire sécher la toile. C’est toujours mieux quand c’est sec, moins lourd. Et puis c’est quand même plus agréable de déplier une tente sèche le soir suivantOn commence à parler de bientôt faire un break d’une journée car on a enchaîné les journées de vélo depuis notre entrée en Croatie. En même temps, l’absence d’accueil spontanée des croates ne nous aide pas vraiment à nous arrêter. On pourrait prendre un appartement qui sont omniprésents dans chaque maison, mais ils sont assez chers et c’est pas vraiment dans cet esprit là qu’on voyage.


Ce matin, nous nous sommes réveillés derrière une petite chapelle en plein milieu d’un petit village. Sans doute le bivouac le plus clandestin jusqu’alors. On repère la chapelle depuis la route et on hisse les vélos derrière par une sorte de talus qui fait le tour. Autour, les maisons sont fermées, il fait déjà noir et nous venons d’essuyer plusieurs refus ou bien d'aimables propositions marchandes. Si on continuait, on s’enfonçait dans les montagnes et ça n’aurait pas été bien prudent. Alors on se pose là. Problème, l’église est entourée d’un mur d’environ un bon mètre de haut et pour accéder à l’entrée principale, il y a un grand escalier d’une trentaine de marches qu’on ne peut grimper avec nos vélos. Alors, après concertation chuchotantecar les maisons alentours ne sont finalement pas si vides que ça et on ne sait pas si on est les bienvenus. On finit par garer les vélos en haut, attachés à un arbre, et on escalade le mur avec la tente, nos affaires pour dormir et de quoi manger. La soirée est silencieuse, discrète à souhait. Le moindre son de plastique qui emballe pas mal de nos aliments nous semble être très fort… On finira par passer la nuit sans être dérangés et faire un réveil très matinal (5hqui nous permettra de ne pas être repérés. Ouf ! C’est rigolo une nuit mais il ne faudrait pas que ça arrive tous les jours quand même car c'est un peu fatiguant pour l'esprit et pas très reposant


La journée d’aujourd’hui a été bien agréable. Départ très matinal donc, mais le soleil est déjà là grâce au changement d’heure. 5h50 sur les vélos pour profiter car à 16h, il sera temps de s’arrêter ; la lumière baissera très vite et à 17h30 ce sera la nuit. Nous avons gravi deux beaux cols au cœur de la vallée et du « Kanyon Cetine » du nom de la rivière qui laparcours et qui la creuse. Très impressionnant d’être entouré de ses roches gigantesques, on pédale rêveurs, mais quand même à l’ouvrage pour venir à bout des lacets et des longues côtes. On est bien. Petit déjeuner venteux à Omis. Fin d’étape un peu après Makarska dans le complexe hôtelier et camping de Podgora. Pour l’instant, nous sommes seuls et l'immense complexe semble fermé. Nous est d’avis que nous ne verrons pas grand monde désormais. Nous avons calée la tente contre un mur et réussi à bien enfoncer les sardines dans un sol pierreux car la nuit s’annonce venteuse et même sans doute orageuse. Pour l’heure, on mange des chips et on ne va pas tarder à sortir le « camping-gaz ». Ce soir, au menuc’est pâtes (très original) accompagnées de thon à la tomate et chocolat sur un bout de pain en dessert. C’est simple, mais efficace. 18h20, j’ai rattrapé mon retard de 14 jours sans écriture. C’était presque aussi physique qu’une journée de bicyclette. Je m’en vais me passer un peu d’huile d’arnica sur le poignet et ajouter « cartouche d’encre » sur la liste de courses

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Commentaires: 1
  • #1

    Mumu (mardi, 19 janvier 2021 19:43)

    Coucou les aventuriers
    Eh bien vous faites pas semblant que de rebondissements !! Comme une série TV mais en mieux parce qu’on connaît les acteurs � nananère!!
    Des bises sur vos mollets d’acier �
    en avant deux les cyclistes �