Monténégro - Km 5284

Auberge de jeunesse de Kotor. Un bon repos s’annonce après une excellente journée passée sur nos premières routes au Monténégro : sacrée claque ! Là, on est sincèrement désolés, mais on risque de manquer de superlatifs pour décrire les paysages et les ambiances. Gigantesque baie à la couleur stupéfiante entourée de majestueuses et raides montagnes au pelage rocheux. Une journée bien agréable après quelques journées plus « speed » en Croatie. L’annonce du confinement en France, la recherche infructueuse d’un ferry à Dubrovnik pour l’Italie. Finalement, on quittera la Croatie comme prévu par frontière terrestre et par la même, l’Union Européenne. Espérons que nous prenons là une bonne décision et que la suite se passera bien.

À l’heure ou j’écris, assis sur le coin du lit dans un petit dortoir de l’auberge où nous sommes les seuls clients, l’ambiance s’est bien détendue. La journée a été incroyable par les paysages traversés mais surtout par de chouettes rencontres qui nous ont fait grand bien. Ça a d’ailleurs commencé dès hier soir chez le seul accueil « WarmShower » de Croatie. Courte rencontre qui aurait sans doute méritée de s’attarder un peu plus longtemps mais nous avions juste en tête de sortir rapidement de Croatie pour ne pas s’y retrouver bloqués.

 

Nous sommes chez Mario, un vieux communiste de 82 ans, heureux habitant d’un joli et rustique bungalow à flanc de montagne. Autonome ; il produit son électricité et se chauffe avec un petit poêle à bois. En arrivant, on papote rapidement et mesurant avec finesse notre état de fatigue après la journée éprouvante et la méga-côte escaladée en fin d’étape, il nous dirige vers un coin dans la forêt un peu plus haut au-dessus de son bungalow ; une sorte de camping bricolé sur la montagne dont l’entretien est autogéré par les cyclistes de passage. Parfait et atypique. Les vélos restent en bas et on monte par un tout petit chemin pierreux avec notre tente, la nourriture pour le dîner et nos vêtements pour la nuit. On fait bien attention à ne rien oublier car c’est quand même à quelques 250 mètres au-dessus et pas bien carrossable. Pas du tout envie de faire deux fois la route…  En tout cas, on y passe une très bonne nuit au milieu de grands sapins dans un décor poétique. Des objets traînent un peu partout autour de nous dans un bazar naturellement organisé. On trouve de tout ; des clubs de golf , trois ou quatre vieux frigos servant de garde-manger, des tabourets fabriqués avec des caisses de bière, des tables rafistolées, des cabanes, etc. Nous sommes seuls, mais on imagine assez bien les ambiances qui doivent régner ici lorsque les cyclistes se retrouvent l’été, en fin d’étape. Pour nous, pas vraiment question de traîner ; la nuit tombe toujours de très bonne heure et chaque jour de plus en plus tôt. 16h50, derniers rayons de soleil. On mange pas tard et on est dans la tente vers 19h. On trouve ça plutôt agréable de suivre le rythme du soleil et on se rend compte de l’énorme impact que peut avoir l’électricité sur nos vies. Étonnamment, malgré les journées intenses au niveau sportif, on ne se sent pas trop épuisés comme on pourrait l’être parfois à cette période automnale. C’est pas la même fatigue et on aurait tendance à préférer celle-ci… Il faut dire qu’on a un soleil resplendissant depuis plusieurs jours nous procurant tout un tas de vitamines. On en profite.

 

Le lendemain matin, avant de repartir, on prendra le temps de parler un peu plus avec Mario qui nous invite à l’intérieur de son bungalow. Une petite pièce, un poêle à bois, un lit dans un coin où sont couchés deux jeunes chiens, des peintures et photos accrochés sur tous les murs, un petit évier pour faire la vaisselle. Une belle simplicité, magnifique, chaleureuse, raisonnable. Bon, quand je dis qu’on a discuté, c’est plutôt lui qui a causé, car Mario semble être un grand bavard et il a une vie sacrément fournie. On n’a pas tout compris car il avait un impressionnant débit, mais il nous a expliqué entre autre qu’il avait traversé l’adriatique à la rame depuis Dubrovnik avec des résistants pendant la guerre de Yougoslavie afin de rejoindre l’Italie. Il s’est ensuite réfugié au Canada où il a rencontré femme et enfants. Revenu en Europe, il achète un bateau et fait pas mal de voyages. Il retournera finalement vivre ici dans sa région, finir sa vie sur sa petite montagne. Sa pension semble lui suffire pour vivre. Il prend le taxi une fois tous les 15 jours pour se ravitailler. Le thé qui boue dans la casserole coupe son discours. Il se lève dans un nuage de fumée. Sur la table, une grosse boîte de tabac et puis le bonhomme qui vient de nouveau s’asseoir face à nous ; visage aimable surmonté d’un chapeau de paille usé par les années, le teint un peu rouge mais encore plein de santé. On continue de causer un peu et on fini par prendre la route en direction du Monténégro après quelques photos souvenir devant cette inspirant lieu de vie.

 

Autant hier, nous avons bien grimpé pour aller chez Mario ce vieux communiste nostalgique de la Yougoslavie de Tito, autant pour repartir, ça descend et c’est à toute berzingue qu’on rejoint la frontière vers le Monténégro. Trop facile et c’est tant mieux après les quelques étapes bien rudes des jours derniers. Passage de la frontière sans problème. Un premier sourire sympathique du douanier monténégrin nous laissent déjà penser que l’ambiance va peut-être se détendre un peu et laisser davantage de place à la rencontre. On ne va pas vous mentir, on est assez contents de quitter la Croatie et de changer un peu d’air. Nous nous faisions la remarque avec Camille que ce pays en forme d’entonnoir nous a donné la sensation d’être un peu oppressés. « Comme deux petits grains de sable dans un sablier avec une petite crainte d’y rester bloqués à la sortie» pour reprendre l’image employée par Camille. Mais la fin de l’entonnoir s’avère être un vrai soulagement, un vrai sentiment de liberté, une bouffée d’air. On commence par faire quelques courses (on en fait souvent) et l’ambiance devient carrément funky. Musique américaine à fond les ballons dans l’hypermarché, tout un tas de produits tout illuminés dans les rayons et le retour de l’euro. On fait une pause café dans une station service pour capter le WiFi, télécharger les cartes du pays et charger les batteries de nos appareils. C’est bon, on peut se lancer.

 

En repartant, on rencontre une famille à vélo et ils sont français ! Ça alors. Baptiste et Maël avec leurs deux parents Stéphanie et Mathieu. On fait quelques kilomètres avec eux, on sympathise et on décide de pique-niquer ensemble sur un petit port. Quelques kilomètres plus tard, on sépare nos routes : ils prennent un ferry pour traverser la baie et nous décidons d’en faire le tour. Nous nous faisons de grands signes tout en ayant à l’esprit que nous nous reverrons sans doute bientôt. En effet, la fermeture des frontières par ci et par là fait que ça bouchonne un peu dans la région au niveau cyclo voyageurs. Tout le monde ralenti le rythme en attendant d’en savoir un peu plus sur la tournure des mesures adoptées par les différents pays. Pour nous, c’est l’occasion de rencontrer un peu de monde.

 

Un peu plus loin, alors que nous faisons le grand tour de la baie de Kotor, nous apercevons deux jeunes gens à la terrasse d’un bistrot et deux jolis vélos garés à côté. Ce sont Lukas et Winona, les deux belges qui font la route avec Marie la cyclo-voyageuse que nous devons retrouver ce soir. Quel heureux hasard. On se pose avec eux, profitant d’une magnifique vue sur le lac avec un très très beau coucher de soleil. Marie nous rejoint peu de temps après. On discute un bon moment ; on échange sur nos traversées de la Croatie, sur l’ambiance qui règne ici, sur la situation en France, etc. La nuit finit par tomber. Il faut qu’on trouve un endroit pour dormir. On repère via l’outil internet sur nos mobiles une petite auberge de jeunesse non loin de la vieille ville de Kotor coincée dans un petit port au pied de la forteresse. On appelle : c’est ouvert. On s’y installera pour trois nuits, histoire de se reposer un peu et de profiter pleinement de cet endroit qui a l’air vraiment très cool.

 

Ah… une bonne nuit dans un vrai lit, ça fait du bien. Surtout qu’on a l’auberge pour nous tout seuls et qu’on s’y sent tout de suite comme à la maison. Gérard, le concierge fait tout pour rendre notre passage ici le meilleur possible en nous conseillant tous les bons plans alentours… on y ajoute la simplicité de l’ambiance qui règne dans une auberge de jeunesse et c'est parfait. Douche, bon dodo, lessive, gros burger-frites dans le resto d’à côté, promenades sur le port et dans la vieille ville, visite de la forteresse… Deux très bons jours de pause.

 

Nous profitons aussi de cette pause à Kotor pour rencontrer Marko, un réparateur de bicyclette. On s’y pointe le samedi matin et il nous reçoit sans doute à la sortie de son lit pour checker le vélo de Camille et réparer un rayon sur ce dernier. On y passe un super moment, le temps de la réparation est propice à la discussion et Marko parle très bien l’anglais. On discute de notre voyage et surtout, on le regarde travailler sur la bicyclette car il s’agit d’un vrai artiste. Dans son tout petit atelier où le vélo est suspendu, les outils dégringolent dans une apparente maladresse qui pourtant ne sont que concentration. Concentration sur les gestes et sur la réparation de la bicyclette. C’est beau à voir. Il fait un check complet, nettoyage des roulements, réglage des freins. Il jette aussi un coup d’œil à mon vélo. On y reste une bonne heure et demie et au moment de partir, nous sommes invités à prendre le café. On discute pendant un bon moment. On boit même une bonne limonade maison tout en discutant de gastronomie locale, de la vie ici, de la Croatie et de plein d’autres choses. On apprendra que Mary, sa femme, est prof d’histoire de l’art à Zadar et que Marko a été lui pilote d’hélicoptère pendant la guerre de Yougoslavie.

 

Le soir, l’autre Marie, la cyclo franco-canadienne nous rejoint à l’auberge et on y passe une bonne soirée en continuant de se raconter nos voyages, nos rencontres, quelques tranches de nos vies. Elle repartira le lendemain vers Cetinje sur les traces des Belges partis le matin même. Nous, on décide de rester une nuit de plus. Nous ne sommes pas pressés et la situation en Grèce a l’air de se resserrer encore un peu plus. Alors on prend le temps.

 

Lundi 2 novembre ; petit déjeuner copieux, rangement et réorganisation des sacoches. Nous aussi on remonte sur les bicyclettes. On se sent plutôt reposés et en forme. Direction le parc du Lovcen et Cetinje. Attention, ça grimpe ! Pour commencer, plus de 25 kilomètres d’ascension nous attendent ; on se prépare psychologiquement. On est surtout curieux de découvrir l’intérieur du pays tout en sachant qu’ici, si jamais ça parle de confinement (ce qui n’est pour l’instant pas d’actualité), on aura un bon pied à terre.

 

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