Jarenina, Slovénie - Km 3440,22

On en a fait de la route depuis la République tchèque. Nous sommes repassés par l’Autriche que nous avons traversée du Nord au Sud. Après un arrêt de quelques jours à Vienne, nous voici en Slovénie. Nous avons passé la frontière hier soir et j’écris ces mots au coin de la cheminée, dans la ferme d’Antón et sa fille Ana, tout au Nord du pays, à quelques kilomètres de l’Autriche. Le feu nous réchauffe et la nuit que nous avons passée au sec nous a fait grand bien. Dehors, il pleut. La ferme est top, très jolie ; on s’y sent tout de suite bien. On y trouve des animaux incroyables. 48 au total ; un chien palestinien adopté par Ana, des chevaux, des ânes nains, des lamas, des alpagas, des chèvres, des moutons, des poules, des canards et... Franz et Lisa ; les rois de la basse-cour ! Ce sont deux sympathiques cochons à l’allure impériale qui promènent leurs jarrets toute la journée cherchant un bon coin de sieste... 


On échangera surtout avec Ana. C’est plutôt pratique car elle parle un très bon français après ces deux années d’études à Sciences-Po Bordeaux. Antón est plus distant. C’est lui le cycliste ; deux traversées des Amériques, une traversée du continent africain, un tour de Slovénie, un trip « France-Angleterre-Scandinavie », et encore d’autres... et tout ça en chaussures « Crocs » ! Il se vante d’ailleurs, avec un sourire en coin de détenir le record du monde de la plus grande distance parcourue en « crocs » sur une bicyclette. Ana a bien vadrouillé elle aussi : une dizaine de fois en Afghanistan, en Iran, ses deux années Erasmus à Bordeaux et encore plein d’autres pays. Depuis la crise sanitaire, elle vit entre Maribor et la ferme à Jarenina. C’est un sacré coup de frein pour elle habituée à être toujours par monts et par vaux, mais elle prend les choses avec optimisme et apprécie sa sédentarité. Elle envisage même de développer un projet touristique et pédagogique autour de la ferme de Jarenina.


En tous cas, c’est bien agréable d’être accueillis comme ça, simplement, par des gens supers, dans une maison pleine de chaleur. Après quelques étapes de montagne, de pluie et de froid, c’est bienvenu.


Ce matin, après un tour de la ferme, Ana nous a emmené en auto à Maribor. C’est à une dizaine de kilomètres au Sud de la ferme. Pendant que Ana donnait un cours de Slovène à un migrant Iranien, nous en avons profité pour faire quelques achats au Décathlon ; un manteau d’hiver et un caleçon long de pêcheur pour Julien, des chaussettes de ski pour les pieds de Camille, des câbles de dérailleurs et freins pour les bicyclettes ! On retrouve ensuite Ana et on fait un petit tour en ville ; c’est vraiment confortable d’être avec elle car la promenade est ponctuée de commentaires sur l’histoire récente et la situation politique de la Slovénie. On parle socialisme, seconde guerre mondiale, guerre civile, ex-Yougoslavie. En plus d’être sacrément intéressant, ça ajoute une autre dimension à notre voyage. Le fait que Ana parle français et qu’on soit de la même génération facilite évidemment la communication et le partage de ces informations. Peut-être qu’on arrive aussi dans une région qui attise un peu plus notre curiosité ?


Sur la route du retour, Camille s’empresse de contacter Jean-Marie pour lui demander la recette de son fameux gâteau sec. On va tenter d’en faire un pour la soirée. Nous devrions avoir la visite de Arnaud et Louise, deux français installés dans le village depuis mars (15 jours avant le confinement). Ils travaillent dans une ferme dans le cadre d’un projet de « volontariat européen ». Pour l’heure, Antón et son accordéon ont disparus. Ana le soupçonne d’être parti à l’école de musique où il prend des cours afin de répéter un peu avant la soirée qui s’annonce musicale.


Cette pause au coin du feu va être l’occasion de faire un retour sur ces derniers jours et de fixer dans notre carnet de voyage nos rencontres, les étapes, etc. Nous avons quitté la République tchèque après 11 jours passés dans le pays. On en gardera un bon souvenir avec des paysages somptueux, la rivière Vltava, Prague, des gens pas toujours facile d’accès... Mais sur ce dernier point, quand on prend le temps et que le hasard fait bien les choses, ça peut donner quand même de bonnes rencontres.


Nous sommes le dernier soir juste avant de passer la frontière autrichienne. Nous nous arrêtons bivouaquer en bordure de la piste cyclable et c’est là que nous faisons la rencontre de trois cyclotouristes tchèques. Ces trois compères, la soixantaine bien tassée, arrivent à la nuit tombante et s’installent près de notre tente dans un endroit si tranquille que nous étions quasiment persuadés de ne plus voir personne de la soirée. S’en suit une bien belle soirée sous les étoiles ; on sort nos instruments pour jouer deux ou trois airs, on cause, chacun fait sa popote, on se réchauffe avec une eau de vie de prune maison, ils sortent à leur tour une guitare et une mandoline de leurs sacoches et la soirée se conclut sur des chansons de Bob Dylan... en tchèque ! Le lendemain, on se réveille presqu’en même temps. Eux continueront leur tour de la Tchéquie vers le Nord tandis que nous filerons vers le Sud pour rejoindre la capitale : Vienne.


Au terme d’une étape de 109 kilomètres, face à un vent qui nous retrousse un peu les moustaches, nous y sommes. On est le 21 septembre et on restera 3 nuits chez notre hôte qu’on est pas prêt d’oublier et qui se fait appeler « Honzo ».


Il est 19h04 quand « Honzo » nous ouvre les portes de son petit appartement de la Strozzigasse, pas très loin de la cathédrale St Steven (St Étienne pour les francophones). L’ascenseur est petit, prévu pour loger maximum 3 personnes. L’appartement est lui au 5ème étage, alors pas le choix, on enchaîne les tours : d’abord les sacoches, puis un vélo en position debout. Celui de Camille avec son porte violon ne semble pas passer. Alors je monte les cinq étages avec le vélo sur l’épaule, comme un coureur de cyclo-cross. On tasse les vélos dans l’entrée d’un logement déjà bien rempli. L’unique chambre nous est réservée. On y entasse nos sacoches et on rejoint le petit salon où se trouve déjà Konstantin, un Couchsurfer allemand ici depuis deux semaines. « Honzo » et Konstantin s’extirpent dans la petite cuisine pour préparer le repas du soir tandis que nous nous retrouvons assis sur le canapé, devant une vidéo de présentation un peu vieillotte de la ville avec une bière, une baguette et du camembert ! La scène est assez comique. Nous sommes toujours en tenue cycliste. D’abord un peu étonnés de la situation, on se laisse aller à une très bonne soirée. Poulet-taziki (on se régale), quelques bières et au lit. « Honzo » nous offre ses premiers cadeaux et ce n’est que le début : des bombes au poivre contre les agressions canines, deux couvertures de survie, des chaufferettes, 1 kg de Nutella, du beurre de cacahuètes, du couscous, du thon, etc. Le matin, avant de rejoindre son travail - professeur dans une école d’art - il nous embarque dans une visite express de la ville et nous laisse au pied de la maison de la musique. On la visite dans la matinée et on poursuit avec la maison de Mozart. Journée « musées »... ça nous change ! Le soir, nous passerons à nouveau une bonne soirée avec notre hôte, Konstantin et deux de ses amis allemands. Au menu pâtes au choux et... bières. Le lendemain, « Honzo » nous invite à rester une journée supplémentaire. On accepte. On visitera le marché, les jardins du château de Schönbrunn et c’est en fin de journée, alors que nous nous délassons à l’abris d’un parasol sur une terrasse pluvieuse, que je m’aperçois de la disparition de mon téléphone. Perdu ? Volé ? On ne sait pas. Bien que ça ne soit qu’une perte matérielle, ça reste embêtant et il faut réfléchir à une solution. Mais vous le savez bien, chaque souci, selon le dicton, à la sienne de solution. Cela commence par un appel d’urgence à « Bertrand assistance 85 » qui fera le nécessaire pour bloquer la carte SIM, en récupérer une nouvelle chez le marchand et envoyer le tout chez la sœur d’Ana qui habite Ljubljana où nous serons dans quelques jours. Trop facile la vie ! Merci « Bertrand assistance 85 » !


Pour le reste, ce serait trop long de tout vous raconter et puis il faut bien qu’on en garde un peu rien que pour nous... Alors je vous propose une liste posée là pour titiller votre imagination. C’est dans l’ordre ou le désordre ; « comme vous l’voul’ »!

Traversée de la frontière slovène sans aucun contrôle, étapes aux dénivelés corsés, montagnes, froid, bonnes averses et épais brouillard, embourgeoisement et nuit d’hôtel avec petit déjeuner royal, réparation d’un câble de dérailleur sectionné, changement d’itinéraire, vignes, vues dégagées sur la vallée et les sommets enneigés, un tout droit dans les maïs pour Camille (chute sans gravité), bivouac derrière le McDo de Fürstenfeld, record de vitesse en descente, pâtisseries autrichiennes, etc.


Nous sommes désormais bien impatients de découvrir ce beau pays slovène après -en guise d’introduction - cette chouette rencontre avec Antón et Ana. 


Je jette un œil par les grandes fenêtres de la pièce centrale de la maison et je vois que dehors tout le monde s’affaire : Antón élague les pruniers, Ana soigne les animaux et son petit frère, arrivé dans l’après-midi, aménage un van afin de découvrir prochainement les Balkans. Aujourd’hui, nous devions faire le réglage des dérailleurs mais nous remettrons ça au lendemain car nous décidons de sortir trompette et violon pour faire un peu de musique tout en surveillant la cuisson du gâteau...

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