Le Vent (Wind, Lüft) ; allié ou redoutable ennemi - Km 1601

En quittant Mulhouse, on rejoint le Rhin. C'est important de le signaler car c'est un nouveau chapitre qui s'ouvre. Et puis c'est une occasion rêvée d'énoncer le fameux adage vendéen : "o l'é pas Rhin d'êt' marraine !"


Le Rhin nous conduit rapidement à Bâle, ville frontière par excellence. Carrefour impressionnant entre la France, l'Allemagne et la Suisse. Il nous faut d'ailleurs emprunter la "Passerelle des Trois Pays" réservée aux bicyclettes et aux piétons. En un rien de temps on passe de la France à l'Allemagne et immédiatement en Suisse. Premières frontières ; ça y est, le voyage prend une nouvelle dimension. On est un peu foufous, debouts sur les pédales comme pour voir le plus loin possible, le regard de tous les côtés attirés par la vivacité de l'endroit. Bon, restons quand même bien concentrés car les autos sont nombreuses et la circulation assez dense. 


On s'enfonce dans l'agglomération pour rejoindre le centre historique. On ne tarde pas à se perdre, ce qui n'est pas tout à fait pour nous déplaire. On longe les bords du Rhin. L'eau est étonnamment claire, les gens s'y baignent au milieu de l'effervescence d'une grande ville. On apprécie l'ambiance détendue.


Après une bonne heure à flâner dans la ville, nous décidons de poursuivre notre chemin. Là, ça s'avère un peu complexe. Il nous faut retrouver les panneaux de l'eurovélo 6 qui nous guident depuis le début du voyage. On sort la carte, on demande la direction à quelques passants, et finalement nous décidons de suivre le Rhin qu'on aperçoit au loin vers l'Est. On finit par trouver et suivre les panneaux de l'eurovélo 15 qui est parallèle à l'eurovélo 6 du côté allemand du Rhin. Au fil de la journée, on ne cessera de passer la frontière matérialisée par des postes de douanes vides.


Nous avons une préférence pour la rive allemande. Moins industrialisée, moins démonstrative sur le plan financier, moins exubérante. On observe par contre une véritable joute entre les drapeaux suisses et allemands. Quasiment chaque jardin arbore fièrement un mât avec son drapeau national flottant au sommet.


Le soir, on s'installe dans un parc de jeux où on joue au "Punto" (petit jeu de société miniature offert par les copains Bastien et Blandine juste avant notre départ) en buvant une petite canette de Paulaner. On mange bien, on dort bien.


Le réveil est très froid. 8°C ! Rien ne nous arrête, et il faut bien s'y habituer alors on monte sur nos bicyclettes. C'est encore une bonne étape avec de sacrés jolis paysages. Aujourd'hui et pour la première fois, nous passons la barre des 100 kms. 112 pour être exact. Il faut dire que le terrain est propice et les conditions météo sont à notre avantage ; tout plat avec un vent d'ouest, c'est parfait pour avancer sans trop dépenser d'énergie. Plus tard, on aura le droit au vent pleine face et autant vous dire que c'est pas la même limonade...


On passe près des impressionnantes chutes du Rhin. C'est un "coin à touristes" et c'est pas tellement notre truc, alors on ne s'éternise pas. Une ou deux photos car apparemment c'est ça qu'il faut faire et hop on continue notre route sur les bords du fleuve.


Ce soir là, on se fera un peu surprendre par la nuit. On se met en quête d'un endroit pour dormir mais sans être vraiment sûr d'avoir le droit. Les règles pour le bivouac ne sont pas toujours bien précises... Interdit, autorisé, seulement dans certains lieux, pas dans d'autres, toléré... De quoi s'y perdre un peu. En plus de ça, la région qu'on traverse a une densité de population importante. Beaucoup de propriétés privées mais pas beaucoup d'habitants visibles sur le bord des routes. On se dit qu'on devrait plus oser, aller toquer aux portes, avoir un peu plus de culot. C'est pas tellement dans nos caractères ; on va voir comment ça évolue... Après tout, on ne risque pas grand chose, on remet cette expérience à plus tard et de toute façon il fait déjà nuit. Nous finirons par rouler à la frontale pendant quelques kilomètres et planter la tente sur le bord de la vélo-route, près d'un banc où nous pouvons accoter et sécuriser nos bicyclettes. On s'y endort rapidement au son des grenouilles entourés par les vaches qui s'approchent, curieuses de leurs nouveaux colocataires. 


Le réveil est matinal. Une colonie de limaces s'est glissée entre la chambre de la tente et la toile. C'est pas très ragoûtant mais bon, n'oublions pas que nous sommes leurs invités et non l'inverse. Alors on cohabite ! 


6h05, nous sommes déjà sur nos bicyclettes, profitons de l'atmosphère fantastique du petit jour. Nous traversons de grandes forêts bien sombres à cette heure là. Assez vite, nous arrivons sur les rives du lac de Constance qui se confond longtemps avec le Rhin. Nous contournons le lac par le Nord et rejoignons la ville de Radolfzell. À ce moment de notre parcours, nous devons reprendre une route vers l'Ouest pendant une quinzaine de kilomètres. C'est une étrange sensation qui nous donne l'impression de faire demi-tour. C'est aussi et surtout le moment de faire plus ample connaissance avec le vent. Lüft en veux-tu en voilà ! Terrible. Vraiment dur d'avancer car il est puissant, sans pitié avec de fortes rafales. On a beau baisser la tête, le menton quasi à toucher le guidon, nos larges sacoches offrent des prises au vent trop grandes. Et puis c'est le vent, pas grand chose à faire si ce n'est que d'être patient, mettre un petit développement. Plus d'une heure et demi pour effectuer 10kms ! Long, épuisant. On s'en doutait mais c'est le moment de transformer la théorie en expérience du terrain : le vent sera parfois notre allié et d'autres fois un ennemi redoutable. Cette étape déjà bien usante se termine en beauté avec une longue ascension. Évidemment, nous sommes récompensés au sommet par une magnifique vue à 360°C. Après un petit moment à admirer le paysage et à récupérer de nos efforts, nous nous élançons dans une bonne et longue descente qui nous amènera rapidement à Tuttlingen. On y a repéré un "ZeltPlatz für radfahrer". La "ZeltPlatz" c'est un espace pour camper et les "radfahrer" c'est nous ; les valeureux pilotes de bicyclettes. On trouve facilement l'endroit situé au beau milieu d'un grand parc où de nombreuses familles et groupes de jeunes s'adonnent à toutes sortes d'activités. Les douches sont fermées à cause de la Covid19. Ça sera donc toilette rapide dans notre bassine pliable ultralight (merci Léo). On fait aussi une lessive et s'en suit un bon gros dodo. Le lendemain, on profite du soleil matinal pour faire sécher les vêtements et la tente. On traine un peu, on prend le temps d'écrire nos carnets de voyage. Nous décidons même de ne reprendre la route qu'en début d'après-midi. 


Tuttlingen - Sigmaringen. C'est sans doute une de nos plus belles étapes depuis le début du voyage. Un déferlement de nature, de verdure, de grands virages du Danube, de hautes parois rocheuses et de jolis petits chemins... Nous sommes tentés de photographier le paysage tous les 100 mètres avant de réaliser qu'on ne pourra pas enfermer dans la boîte toute la réalité de ce qu'on est en train de traverser. On profite simplement et on résiste avec fermeté à ce réflexe de l'humain-chasseur voulant toujours tout capturer.


Nuit au camping de Sigmaringen dans un espace réservé aux cyclo-voyageurs. Nous discutons avec certains d'entre-eux. Nous en reconnaissons d'autres aperçus au fil de la journée. C'est assez rigolo.


Il est à noté que les campings en Allemagne sont assez coûteux ; pour poser une toile de tente sur un bout d'herbe et avoir une douche chaude (c'est surtout ça qui nous intéresse), il faut compter une bonne vingtaine d'euros. La nuit est reposante et nous repartons le lendemain matin vers Ulm où nous avons contacté quelques membres du réseau "warmshower". Pour l'instant pas de réponse.


L'étape est marquée par un premier incident technique sur mon vélo. Rayon cassé sur la roue arrière. Sans stress et remplis de confiance, nous rencontrons rapidement sur notre route un magasin de cycles où un mécanicien nous répare le rayon en moins d'une demi-heure (entre deux ventes de vélos électriques). Nous repartons sous une légère pluie pour les 30 derniers kms qui nous mènent à Ulm. 


Pas de réponse positive d'hébergeurs "warmshower" pour ce soir mais un bon filon : la base de kayak de la ville accueillerait les cyclo-voyageurs... Nous nous y arrêtons, installons notre tente, toujours sous la pluie qui s'est intensifiée, et on passe la soirée au sec et au chaud dans le local kayak après avoir pris une bonne douche dans les vestiaires du club. On sent là une bien belle solidarité sportive et un lien naturel entre deux disciplines itinérantes.

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